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28 avril 2024

Haïti a besoin d’une nouvelle génération de leaders pour un lendemain meilleur!

Par : Enorck Raphael

Haïti a besoin d’une nouvelle génération de leaders pour un lendemain meilleur!

Haïti, pays champion de la liberté en devenant en 1804 le premier État noir indépendant issu de l’esclavage, encore sous le poids de la colonisation, est à la croisée des chemins difficiles et même très difficiles. Elle est désormais au cœur des préoccupations d’une série de crises dans lesquelles sont engagés ses dirigeants et ses élites, depuis la période d’indépendance à nos jours.
Cela fait maintenant deux cent dix-sept années qu’Haïti est indépendante.
Pourtant, elle n’a toujours pas su se libérer et aller vers le progrès économique, car tous ses efforts ont été anéantis par une classe économique et politique, notamment ses dirigeants cupides qui jouissent égoïstement des richesses du pays.

Ces derniers peinent à trouver une sortie louable à partir de laquelle la première république noire indépendante pourrait jouer son rôle de premier plan pour répondre présent au concert des nations sur la scène internationale. « Servir la République » Voilà l’indispensable molécule dont l’absence, dans le génome politique de la plupart des gouvernants d’Haïti, semble être responsable des maux dont Haïti chérie continue de souffrir, deux cent dix-sept ans après la proclamation de son indépendance nationale.

De fait, cette classe politique sans alternative aucune, Jouisseur incapable de productions humaines. Et c’est en se réfugiant dans ses jouissances privées vide de tout engagement citoyen qu’il entrave sans cesse les services publics en jouant du « pouvoir » de faire au-delà de toutes recommandations de la loi. Sourd à la voix du bon sens dans le sens du raisonnable, ses logiques sont fortement imprégnées de la rationalité de son petit monde d’individu instinctif, dont la clôture narcissique de son moi-plaisir. Ainsi, règne dans l’Etat d’Haïti (l’indignité de) la pathologie sociale de l’individuation, caractérisée par ce que G. Simmel appelle l’indifférence.

De cette logique du vide construite par le désert intérieur d’un hédonisme au degré zéro du social, la jouissance individuelle de liberté n’ayant aucune orientation visant le bien commun. Alexis de Tocqueville écrit dans « De la démocratie en Amérique » : « Je vois une foule d’innombrable d’hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs dont ils emplissent leur âme. Chacun d’eux, retiré à l’écart est comme étranger à la destinée de tous les autres ».

Dans les faits, chaque Gouvernement est une coalition d’échantillons de toutes les équipes précédentes, poursuivant leur politique par les mêmes moyens, pour les mêmes effets. Mais les haïtiens ne veulent plus subir leurs politiques illégitimes contre ses aspirations légitimes. Pour se prémunir du rejet violent que leur politique suscite et des revers de mauvaise gouvernance annoncée, paradoxalement, elle s’est auto-désignée comme l’ultime rempart face à la « déliquescence politique».

Pourtant, la politique est depuis les temps immémoriaux, avant tout l’art de servir la république.
C’est ce service d’ailleurs et rien que lui que donne vraiment du à l’engagement politique, comme activité humaine et sociale responsable disait « Aimé Césaire dans son discours sur le colonialisme ».

Nous pensons tous qu’ils ont échoué. Eux qui nous assurent avoir fait de leur mieux. Ils avaient compris, entendu, travaillé. Ils avaient nommé les meilleurs gouvernements, avec les meilleures équipes. Et toujours, chacun était mobilisé comme jamais auparavant. Pourtant, à l’aune même de leurs projets, ils ont échoué.

Après avoir dressé son portrait exact, les attentes du peuple Haïtien ont été déçues par celle-ci, qui n’a pas su engager la rupture avec le passé dictorial.
L’unique moyen de sortir de ce cercle infernal c’est, me semble-t-il, l’émergence d’une nouvelle « génération de leaders composée par des nouvelles figures sociales, culturelles,éconmiques,et surtout politiques » en Haïti pour construire de véritables hommes d’Etat.

Il s’agit d’hommes et de femmes politiques bons et sensibles de cœur, dévoués et capables d’identifier clairement le bien de leur peuple, le servir loyalement et protéger honnêtement les intérêts de leur pays.

Cette nouvelle génération de leaders collectifs, éclairés, progressistes, et surtout transformationnel pour sortir Haïti de son sous-développement, doit engager une chose sûrement obligatoire, la rupture comme un passage obligé que tout le monde doit accepter pour faire naitre une Haïti ordonnée. Voilà les différents défis qu’imposent la situation.

Cette nouvelle génération de leaders républicains doit permettre la créativité, l’initiative, la remise en cause, tout en préservant l’efficacité collective vers un objectif commun. Ces derniers doivent s’inculquer l’humanisme, le sens de responsabilité, le respect de l’autre, l’esprit de la république, la bienveillance comme valeurs, attentionnés aux besoins du peuple Haïtien en les mettant au cœur de leur décision. Cet esprit républicain reste, néanmoins, la condition ultime pour sortir le pays de la situation de « l’Etat Failli » dans laquelle l’ont mis ses « élites ». Mais il faudra, pour cela, cette nouvelle génération d’Hommes d’État qui sachent promouvoir l’intérêt des Haïtiens dans une République démocratique de Droit.

Ces valeurs doivent être les maitres mots de cette nouvelle génération de leaders qui amèneront à bien le projet d’avenir en commun avec les haïtiens, et pour eux, elles guident ces équipes et leurs actions. Ce qui signifie que le leadership ne peut être légitime que s’il dépasse le système hiérarchique traditionnel, et adapte lui-même son comportement aux valeurs qu’il véhicule.
Il doit ainsi être à la fois visionnaire et homme de terrain, formaliste et anticonformiste, garant de la cohérence, de la cohésion nationale et initiateur des ruptures avec le statu quo.

Aussi, Cet engagement donnera le temps au peuple Haïtien de tourner la page d’immoralité, de mal gouvernance, d’impunité, d’insécurité, de kidnapping, de gadgétisation, de corruption pour commencer une nouvelle phase d’histoire, une nouvelle phase active du combat national pour réhabiliter et libérer le peuple Haïtien.
Le peuple doit être libéré du régionalisme, de la décentration, de la dette des institutions financières internationales ( BID, FMI), de la politique d’ajustement structurel (SPAS), car l’aide est accusée de promotion au gaspillage, à la corruption, à la consommation publique et l’assistanat, aussi jugée contre-productive, pernicieuse et inefficace, suscite dans son sillage le discrédit du développement, dénoncé entant que « religion occidentale», idéologie impérialiste, instrument de la domination de l’occident sur les pays du Sud, synonyme d’une croissance dispendieuse, fondée sur le toujours plus et la dilapidation des ressources d’une croissance pour reprendre la parole de l’ancienne ministre Malienne Aminata Traoré.
Enfin, du patrimonialisme ; libéré de la démagogie, du désordre économique, financier et entreprenariat, désordre social, et du désordre politique, libéré de la pauvreté et de la mendicité internationale.

Cette nouvelle équipe de leaders doit capables de relever les différents défis comme ceux de l’organisation de l’espace territoriale, de l’organisation du dialogue national, de la refondation de l’Etat post dictatorial miné par la démagogie sous des prétextes démocratiques parodiques, de la promotion de la démocratie et des droits humains, la réécriture d’une nouvelle constitution impersonnelle, l’instauration d’un Etat de droit et de la mise en place de nouvelles conditions de paix et de liberté, gage d’un développement durable. C’est sur la manière d’affronter ces différents défis que se penche notre réflexion et contribution.

Originellement, le concept de leadership tout comme celui de la société civile relèvent de la culture anglo-saxonne. Ces deux notions, actuellement à la mode, sont passées dans la tradition francophone seulement ces dernières années, à la suite de l’émergence de la démocratie après la fin des empires coloniaux et de l’affrontement Est-Ouest.

Durant la longue période de la colonisation et de la Guerre froide, la démocratie a plutôt laissé place aux Etats forts comme expression du pouvoir. Ce sont les nouvelles libertés occasionnées par le triomphe de l’économie libérale qui ont fait resurgir le concept de leadership les années 80 et 90 à travers le monde comme élément déterminant d’une gestion rationnelle des hommes et de la chose publique.

Cette question faisait actualité en Haïti dans les années 1990, commencement de la démocratisation de l’Etat et la société avec la seule élection démocratique organisée par L’ancienne présidente Ertha Pascal Thouillot, menant le prête Salésien Jean Bertrand Aristide à la magistrature suprême de l’Etat Haïtien. La qualité des leaders est devenue un enjeu majeur dans la réussite et l’enracinement du processus démocratique.

A preuve, les pays qui ont pu bénéficier d’un leadership éclairé ont connu un développement avancé, tandis que ceux qui n’en ont pas bénéficié croupissent dans la misère, victimes d’une mauvaise gestion des affaires de la cité.

De ce point de vue, le cas d’Haïti, première république noire indépendante, est particulièrement critique. C’est la raison pour laquelle, après deux cent dix-sept années d’indépendance, on ne peut s’empêcher d’évoquer cette question de leadership ; et la nécessité d’une nouvelle génération de leaders pour prendre en charge la gouvernance du pays, de sa bonne compréhension dépendra en effet l’avenir de la république d’Haïti. D’où le besoin d’avoir une nouvelle génération de leaders en Haïti. Pourtant, la problématique du leadership reste encore floue dans les mentalités des haïtiens en raison des séquelles du colonialisme et du mimétisme qui en découle.

« Tout dirigeant, n’est pas un leader : Aussi bien, un bon dirigeant qui tient ses responsabilités, qui fait une gestion saine et métrisée des ressources financières du pays, qui transforme son pays pour le bien vivre ensemble avec fierté et dignité est un leader». Être leader, est un comportement responsable, une attitude acceptable, un symbolisme de changement réel bien sûr.
De surcroit, On ne peut avoir Jean Jacques Dessalines, François Capois sans la lutte pour l’indépendance, on ne peut avoir Charles de Gaulle sans la guerre de l’Europe, Gandhi sans le colonialisme Anglais, Nelson Mandela sans l’Apartheid.

Tous ces leaders, et hommes d’Etat ont mené tous des luttes républicaines pour le bien commun.
Historiquement, la question du leadership en Haïti implique trois catégories d’acteurs : les hommes politiques, les responsables des entreprises (hommes d’affaires) les élites intellectuelles, les citoyens organisés, les hommes et femmes religieux (prêtres, ougans, pasteurs) les artistes comme des francs- communicateurs, le reflet de leur société et sont souvent porteurs de message à caractère social et humain.

Le rôle de chacun de ces acteurs reste déterminant dans la gestion de l’Etat et de la société depuis pour qu’ils puissent pérenniser. Comme le contexte révèle le leader, souvent les évènements créent des leaders et les caractérisent, il doit symboliser la transformation de son pays, donc, la vie de chaque citoyen à travers des réformes en profondeur :

1o) Un leader doit avoir trois critères fondamentaux :

1-Une vision clairement définie selon les aspirations légitimes de son pays ou de son peuple, avec quoi, il gouverne l’Etat et dirige bien son peuple. Les leaders ou dirigeants nationaux peuvent jouer un rôle déterminant dans la construction du rêve de son pays. Les pays en développement qui veulent en particulier réaliser un développement durable rapide ont besoin de dirigeants visionnaires et forts, exemple le Rwanda avec Paul Kagamé.
Pour être un dirigeant visionnaire, il faut non seulement avoir une vision claire et réalisable de l’objectif recherché, mais aussi pouvoir porter son regard sur l’intérêt à long terme de la nation et donc avoir la volonté de léguer un héritage comprenant des institutions solides ainsi qu’un environnement favorable permettant à d’autres dirigeants de prendre la relève ,et trace le plan de l’avenir de génération en génération après avoir quitté ses fonctions.

En sommes toutes, C’est le projet qui rassemble, et la personnalité aussi charismatique soit-elle car avec l’une on gagne, avec un projet on gouverne.

2-Une bonne équipe : Le leader doit constituer son équipe avec des ressources humaines bien qualifiées et diversifiées, capables de traiter les problèmes auxquels ils auront fait face, et en faire des diagnostiques approprier pour les résoudre. Cela veut dire qu’il sait s’entourer des collaborateurs capables de l’aider dans sa vision. On ne doit pas focaliser seulement sur le leader, il faut regarder son entourage.

3-Le sens de l’exemplarité : Outre la vision, de nombreuses autres qualités sont indispensables à un leader digne de nom. Un leadership efficace nécessite la motivation et l’engagement, le courage de ses convictions, mais aussi la capacité d’inclusion et de recherche d’un consensus. Il faut savoir communiquer, être capable de motiver une équipe, être souple, pas rigide, accepter les responsabilités, être honnête, promouvoir avec vigueur la probité et l’intégrité dans la vie publique et mettre l’intérêt national au-dessus de ses propres intérêts.
Le leader doit donner l’exemple, on est jugé sur ce que l’on fait ; notre comportement doit être en accord avec notre vision et nos valeurs ; mieux vaut être fidèle à ses valeurs que de chercher à en trouver des meilleures. Car, un leader est celui qui incarne le changement qu’il propose aux gens. C’est le modèle type de ce qu’il vous demande d’être ou de faire. Le leader qui symbolise le pouvoir doit, par son comportement de tous les jours, tenir ses actes et ses paroles quotidiens, indiquer la voie à suivre, l’exemple à imiter, le courage à acquérir.

Le courage du leader, le patriotisme comme amour et engagement pour la patrie, la confiance qu’il a en son pays, déteignent sur l’ensemble de son peuple. Qu’il le veuille ou non, le leader est le bon ou le mauvais exemple. Sa vie est un graphique dont chaque courbe exprime autant de victoires ou autant de défaites de tout son peuple. La confiance en un tel homme ne saurait ni se marchander, ni se vendre.

Elle ne saurait se bâtir et se consolider ni par la propagande politique, ni par la peur ou par la violence des armes, mais autour d’un projet société acceptable, portable, crédible encourageant le vivre ensemble. Toute la carrière du leader politique, digne de ce nom, se résume donc à la conquête de cette confiance du peuple et de chaque individu.

Enfin, il n’existe aucune école qui forme de bons dirigeants nationaux. S’engageant à assumer la responsabilité de gouverner, les chefs d’État doivent apprendre à leurs dépens ce qu’ils n’ont pas encore appris au cours de leur carrière politique. Ils doivent accepter les bons conseils, rejeter les mauvais et prendre des décisions difficiles dans l’intérêt national.
Aux élites montantes haïtiennes qui incombera, demain, la tâche de reprendre la lutte sacrée pour rendre à Haïti la fierté, la dignité et la gloire de l’indépendance ardue que les turpitudes des élites aujourd’hui auront si longtemps hypothéquées, bradées et ternies.

Aucune force politique ancienne, capable de réaliser une véritable alternance démocratique, ne s’est constituée à ce jour. La configuration actuelle de la politique haïtienne est périlleuse, car nulle démocratie ne peut exister sans de véritables institutions politiques républicaines fortes, avec à leurs têtes des hommes et femmes compétents, intègres, sans la pésanteur politico-économique, d’une opposition républicaine incarnant l’alternance politique, et surtout, d’un pouvoir politique visionnaire, responsable, clairvoyant, omniprésent dans la vie globale de son peuple.

De ce point de vue, l’inspiration d’une rupture politique surgit invariablement de l’imaginaire des peuples : « la révolution, disait François Furet, c’est l’imaginaire d’une société devenu le tissu même de son histoire ». Les peuples font le pouvoir et les hommes d’État, et non l’inverse. Nos gouvernants semblent l’avoir oublié. Pour eux, la politique est une question d’image et de pédagogie : il s’agit de bien nous expliquer ce que nous devons penser, et donc comment voter. Le temps de l’alternative est venu, pour choisir entre la perpétuation du statu quo ou une nouvelle proposition politique, pourque la politique reprenne sa lettre de noblesse et soit le lieu central où s’élabore, se décide et se construit l’avenir de la condition humaine.

Cette nouvelle équipe espérera transformer les liens qui unissent les individus à leur gouvernement, et reste convaincu qu’imaginer de nouveaux outils de partage contribuera à l’émergence d’un dialogue plus honnête et plus transparent sur la gouvernance.