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1 mai 2024

Quand ceux qui créent l’insécurité veulent l’anéantir

Quand ceux qui créent l’insécurité veulent l’anéantir

Par: Bernado TINTIN

NB: Cet article paru dans la rubrique  » RÉFLEXION » sur le site de KAPZY NEWS n’engage que son auteur

Tout au long de l’année 2018, l’insécurité n’a pas cessé de cheminer à une vitesse de croisière dans la société haïtienne. Des affrontements entre gangs rivaux, des bandits transformés en célébrités médiatiques, des pertes incalculables en vies humaines, des voitures officielles transportant des bandits recherchés, des citoyens paisibles privés de leurs résidences, des séances de vaines accusations au parlement ; l’insécurité a fait bouger pas mal de chose.

Ce sujet devient plus brulant lorsque
certains bandits déclarent qu’ils ont des patrons au sein du
parlement, de la primature et de certains ministères.

Du coup, des questions pertinentes se posent dans les médias,
sur les réseaux sociaux, et autres. D’où proviennent ces armes
de grand calibre qui se trouvent entre les mains de ces jeunes
démunis des quartiers populaires ? N’est-ce pas de la connerie
lorsqu’on veut traquer les bandits sans tenir compte des auteurs
intellectuels de leurs actes ? N’est-ce pas illusoire de penser que
la police à elle seule peut faire disparaitre le phénomène d’insécurité dans le pays ? Où est le devoir de la femme aux yeux bandés face à une telle situation ?

Un puissant chef de gang nommé Arnel qui opère à Cité de Dieu,
aidé d’une voiture officielle à s’échapper d’une opération de la
police nationale, n’a pas cessé de créer des remous. Le massacre
de La saline, également, n’a pas cessé de faire bouger l’actualité. Vu ces deux faits, pour ne mentionner qu’eux, ont beaucoup alimenté la clameur publique. Ainsi, pour pallier aux dires et rumeurs de toute sorte ayant circulé, des dignitaires de l’Etat ne font que lancer une séances d’accusations sans fruits, en date du
4 décembre 2018, au sénat.

Dans leur quête de facilité, les dirigeants envisagent toujours
des solutions cosmétiques aux différents problèmes du pays. A
entendre les discours de plusieurs d’entre eux, on peut déduire
qu’ils n’ont probablement pas la capacité de comprendre que le
phénomène d’insécurité ne tombe pas du ciel. De là, on peut assister à une application très concrète de cet adage de Nietzche dans son Ainsi parlait Zarathoustra : ‘’l’égarement du bon sens est quelque chose de rare chez les individus isolés ; mais chez les
groupes, peuples, les partis, les époques, c’est la règle’’.

Les bandits comme victime sociale se voient imputés tous les
actes d’insécurité du pays. Pourtant, les auteurs intellectuels des
crimes sont plus cruels. Ces armes coûtent un prix exorbitant que
les démunis des quartiers pauvres ne peuvent pas s’acheter. Ils ne peuvent pas trouver non plus les munitions pour les faire
fonctionner. La plupart de ces jeunes armées des quartiers
populaires sont dépourvu de ce que Pierre Bourdieu appelle un bon habitus. Ils sont privés d’un capital social, d’un capital
culturel et d’un capital économique. En gros, ils sont des
défavorisés. Ils sont le produit d’une mauvaise organisation
socio-politique.

L’insécurité n’existe pas de manière aléatoire. Elle est le résultat
d’une occurrence sociale. Elle est connexe à d’autres phénomènes. Par exemple, l’insécurité marche de pair avec la
pauvreté, la migration, la corruption, l’exclusion sociale, le manque d’investissement, le peur généralisée et autres. Bref,
l’insécurité est une pathologie socio-économique. Selon l’auteur
Robert K. Merton, l’exclusion sociale peut générer le banditisme
et, par la suite, l’insécurité. Parce qu’à un moment donné les
jeunes qu’on délaisse dans la société vont se sentir marginalisés
d’une part, et vont se révolter d’autre part.

Donc, résoudre la question d’insécurité en Haïti n’implique pas
de tuer les gens armés, mais plutôt de les prendre en
considération afin de leur permettre de déposer tranquillement
les armes. Et d’ailleurs, ils sont armés et utilisés par des gens du
pouvoir ou de la bourgeoisie. Quoiqu’Haïti soit un pays
paradoxal, mais il serait important d’éviter le pire. Beaucoup de
conditions sont réunies pour l’éclatement d’une guerre civile
dans le pays : inégalités sociales criantes, misère absolue et
hommes armés illégalement.
Il ne suffit pas de tuer les bandits. Leurs racines sont profondes
et nombreuses comme dirait le précurseur de notre indépendance. Et des hommes d’Etat figurent parmi ces racines.
On devrait appliquer des mesures de prise en charge en faveur
des bandits qui le veulent et des politiques de préventions pour
les enfants des quartiers populaires.

L’homme à la plume orpheline