Plus de 16 000 morts dans la violence des gangs en Haïti et un demi-million d’armes en circulation, selon un rapport de l’ONU

4 octobre 2025

Plus de 16 000 morts dans la violence des gangs en Haïti et un demi-million d’armes en circulation, selon un rapport de l’ONU

Une violence de gangs ayant coûté la vie à plus de 16 000 personnes depuis 2022, selon un rapport de l’ONU

Depuis le début de l’année 2022, plus de 16 000 victimes ont été déplorées à Haïti à cause des violences perpétrées par des bandes armées, révèle un rapport des Nations Unies. Ce document alerte également sur la circulation de près de 500 000 armes à feu illégales sur le territoire, la majorité étant détenue par des gangs contrôlant presque l’ensemble de Port-au-Prince et ses environs.

Les chiffres ont été dévoilés par le Bureau du Haut-Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme (OHCHR), lors d’une séance du Conseil des Droits de l’Homme à Genève, le 2 octobre. Le Haut-Commissaire Volker Türk a indiqué que l’intensification de la violence s’était accentuée depuis sa dernière mise à jour, en mars dernier. Celle-ci s’est désormais étendue au-delà de la capitale haïtienne, touchant notamment les régions inférieures d’Artibonite et du Centre.

« La situation des droits de l’homme en Haïti est arrivée à un point critique », a déclaré Türk. « Cette violence crée un terrain fertile pour le trafic transfrontalier d’armes, de drogues, ainsi que la traite humaine, qui risquent de déstabiliser tout la sous-région ».

Une situation humanitaire déchirante, notamment pour les enfants

Le coût humanitaire est considérable, avec notamment la jeunesse en première ligne. Selon les estimations de l’ONU, 1,3 million de personnes ont été déplacées, dont la moitié sont des enfants. L’organisation UNICEF indique qu’un enfant sur sept a déjà quitté l’école, tandis qu’un autre million serait en danger de tomber dans l’abandon scolaire. Beaucoup d’entre eux sont victimes de trafics, forçés à combattre pour des gangs, ou tués lors des affrontements entre gangs, policiers et groupes de vigilantes.

Parmi les 6 millions d’habitants ayant besoin d’aide humanitaire, 3,3 millions sont des enfants. « Nous ne pouvons qu’imaginer l’impact à long terme pour la société haïtienne et ses jeunes générations », a souligné Türk.

Les gangs s’étendent alors que l’État policier faillit face à la réponse internationale

Les groupes armés, aujourd’hui responsables d’au moins 90 % du contrôle de la capitale, poursuivent leur campagnes meurtrières : ils assassinent des civils, extorquent des voyageurs, détournent des camions de nourriture, et brûlent écoles, hôpitaux et habitations. Les massacres sont devenus monnaie courante. En décembre dernier, près de 300 personnes, majoritairement des personnes âgées, ont été tuées à Warf Jérémie par le chef de gang Micanor Altès. Dans d’autres localités comme Cabaret, Kenscoff, Mirebalais ou Saut-d’Eau, ainsi que dans plusieurs villes du département d’Artibonite, des centaines de morts leur sont attribuées.

La Police Nationale d’Haïti (PNH), mal équipée et dépassée par la situation, a aussi été accusée d’abus. Selon l’OHCHR, elle aurait été responsable de plus de la moitié des décès lors d’opérations de sécurisation : 174 exécutions sommaires et 559 morts lors de frappes de drones explosifs, souvent en violation du droit international. En septembre, huit personnes, dont des enfants, ont été tuées lors d’une attaque de drone lors de l’anniversaire d’un chef de gang à Simon Pelé, Cité Soleil.

« La situation des droits de l’homme en Haïti a atteint un point critique. Cette violence alimente le trafic transfrontalier d’armes, de drogues et d’êtres humains, menaçant la stabilité de toute la sous-région. »

Volker Türk, Haut-Commissaire de l’ONU aux Droits de l’Homme

Malgré une mission de sécurité multinationale, appelée MSS, déployée en 2024 sous leadership kényan, les avancées ont été limitées. Faillible, sous-financée et en sous-effectif, cette opération n’a pas réussi à freiner l’expansion des gangs. Le 30 septembre, le Conseil de sécurité des Nations Unies a voté à l’unanimité (12 voix contre aucune, avec trois abstentions : Chine, Russie, Pakistan) pour l’envoi d’une nouvelle force de répression regroupant 5 500 hommes, la Gang Suppression Force (GSF), proposée par les États-Unis et le Panamá, en remplacement de la MSS.

Les autorités haïtiennes, notamment le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé et le Conseil transitoire présidentiel (CPT), ont salué cette résolution comme un tournant décisif. Cependant, plusieurs questions restent en suspens : comment sera recrutée cette nouvelle force, quel sera son coût, et comment elle collaborera avec la police et l’armée haïtiennes sur le terrain.

« Ce vote marque un tournant décisif dans la lutte contre les groupes criminels armés qui détruisent nos familles, paralysent notre économie et menacent l’avenir de notre pays », a déclaré Saint-Cyr sur X (ancienne Twitter), reprenant ces propos du Premier ministre haïtien. Il a ajouté que « nous sommes déterminés à briser l’étau des gangs, à assurer la sécurité de nos concitoyens, et à créer les conditions pour des élections libres, justes et transparentes ».

Les responsables estiment que la mission soutenue par l’ONU est une étape essentielle pour retrouver la sécurité


À ce jour, seul le Canada a annoncé son soutien financier à la GSF, en s’engageant à verser 40 millions de dollars canadiens. La force, comme la MSS, sera financée par la contribution volontaire des États membres.

En Haïti, nombreux sont ceux qui pensent qu’un « solution haïtienne » seule pourra réellement sortir le pays du chaos.

Certains leaders haïtiens mettent en garde contre les échecs répétés des interventions étrangères passées, soulignant que toute nouvelle opération sans une participation nationale significative risque de se solder par le même échec. Marc Prou, du Congrès patriotique pour le sauvetage national, insiste : « Haïti doit privilégier une solution menée par ses propres autorités. Si ceux qui décident pensent que cette force est la solution, nous respectons leur opinion. Mais cela ne résoudra pas le problème de fond. »

« Nous ne pouvons pas nous reposer sur quelque chose qui a déjà échoué. C’est pourquoi le Congrès patriotique a créé une commission dédiée à la sécurité, afin d’imaginer des solutions que nous, Haïtiens, serions en mesure de proposer à notre pays. »

Alors que Haïti entre dans sa quatrième année de violences croissantes, nombreux sont ceux qui craignent que l’avertissement de l’ONU — selon lequel si aucune action urgente n’est entreprise, la situation pourrait devenir encore pire — ne s’avère malheureusement exact et tragique.

Naïla Saint-Fleur

Naïla Saint-Fleur

Je suis Naïla Saint-Fleur, journaliste pour Kapzy News et passionnée par les récits qui révèlent la complexité d’Haïti et de la Caraïbe. À travers mes articles, je cherche à donner du sens à l’actualité et à faire entendre les voix de celles et ceux qui construisent le pays au quotidien. L’écriture est pour moi un acte d’engagement et de transmission.