Karine Jean-Pierre apporte une énergie indépendante et authentique dans son nouveau livre, « Independent »

24 octobre 2025

Karine Jean-Pierre apporte une énergie indépendante et authentique dans son nouveau livre, « Independent »

Les électeurs haïtiens-américains déçus par les deux grands partis, même en soutenant Harris

En pleine campagne présidentielle de 2020, un nombre notable d’électeurs d’origine haïtienne vivant aux États-Unis ont exprimé leur intention de ne pas voter pour Kamala Harris ni pour Donald Trump. Leurs motivations étaient diverses, mais une attitude commune transparaissait, peu importe leur âge ou leur position dans la communauté.

« Les démocrates se montrent trop ingrats envers nous », confiaient plusieurs lors d’interviews. Cette frustration n’était pas réservée aux seuls partisans qui misaient sur Harris : même parmi ceux qui avaient prévu de voter pour elle, un sentiment de colère envers le Parti démocrate se faisait sentir, surtout lorsque Donald Trump ciblait la communauté haïtienne à Springfield.

« Les démocrates sont trop bienveillants », se plaignaient souvent des soutiens frustrés. « Ils jouent à la politique comme si nous étions encore dans les années 90. »

Il semble que Karine Jean-Pierre partageait ces mêmes frustrations, mais elles étaient d’une intensité particulière lorsqu’elle occupait le poste de porte-parole de la Maison Blanche sous l’administration de Joe Biden.

Dans son dernier ouvrage, « Independent: A Look Inside a Broken White House, Outside the Party Lines » (Indépendant : un regard à l’intérieur d’une Maison Blanche éclatée, en dehors des lignes partisanes), Jean-Pierre dévoile avec franchise et sans détours les raisons pour lesquelles elle se sent trahie par le Parti démocrate. Au point de l’avoir quittée officiellement.

Dans cette autobiographie publiée le 21 octobre, elle raconte notamment les coulisses derrière certaines manœuvres de trahison qui ont été rendues publiques, comme le fait que Biden ait été poussé à abandonner sa candidature à la réélection. Elle dévoile aussi des efforts en coulisses à Washington, visant à nuire à Biden — envers lequel elle reste profondément loyale et reconnaissante — ainsi qu’à elle-même. Jean-Pierre raconte comment elle a dû évoluer dans un environnement de travail à haute pression, où elle avait la sensation que les normes étaient différentes pour elle, en tant que première dans son genre. Ce récit résonne particulièrement auprès des nombreuses femmes noires, une audience clé pour ce livre, qui peuvent y reconnaître des expériences familières.

Une critique acerbe du système politique et des enjeux sociaux

Jean-Pierre ne mâche pas ses mots lorsqu’elle critique certains secteurs clés de la société américaine, responsables de la réélection de Trump et des actions qui ont suivi, nuisant actuellement aux groupes les plus vulnérables. Son témoignage reflète la désillusion profonde de nombreux proches du Parti démocrate, notamment celle de la sororité des femmes noires restées fidèles malgré tout, en regardant partir les partis politiques, les médias et la culture du spin leur tourner le dos.

Une critique récurrente concerne le respect scrupuleux des normes de convenance adopté par les démocrates, qui n’a pas empêché les Républicains liés à MAGA de faire taire leur voix pour séduire l’électorat.

Ce qui ressort particulièrement dans le livre, c’est la tonalité et le style accessibles, une façon de parler qui évoque l’énergie “non achetée et non dominée” chère à Shirley Chisholm. La lecture, simple mais sincère, ressemble à une conversation franche entre amis. Jean-Pierre n’hésite pas à utiliser des expressions expressives, notamment des anecdotes de famille façon “tante haïtienne”, avec des phrases évocatrices du style “Trump a vomi paraphrasant ses propos”, qui exploitent le pouvoir d’image propre à la culture orale haïtienne, rarement vues dans ce genre de témoignages.

Un appel à l’action pour une politique plus indépendante

Malgré ses critiques, Jean-Pierre évite le ton de la colère pour inviter les citoyens à repenser leur relation avec la politique. Elle encourage à sortir d’une fidélité aveugle à un parti et à privilégier la réflexion indépendante. Ce conseil s’applique à la fois aux élections nationales mais aussi aux enjeux locaux et municipaux. Elle insiste sur l’importance pour le public de participer activement à la construction d’une société plus inclusive, en proposant de nombreuses ressources pour ceux qui souhaitent s’inscrire comme électeurs sans affiliation à un parti.

Une certaine distanciation qui laisse perplexe

Cependant, une impression subsiste dans la lecture : celle que Jean-Pierre parait quelque peu extérieure à l’intérieur même de la Maison Blanche. Malgré son rôle de conseillère principale, elle donne parfois l’impression d’être un peu déconnectée des coulisses du pouvoir, comme si elle n’avait que peu d’influence sur la façon dont Biden occupait le terrain auprès du public, en dehors de la Maison Blanche.

Par exemple, lorsqu’elle évoque la mauvaise performance de Biden lors d’un débat, elle se montre plutôt protectrice, mais sans convaincre vraiment, en arguant que le débat a été programmé trop tôt dans la campagne électorale, laissant supposer qu’elle n’aurait pas pu intervenir pour l’empêcher. La question qui demeure est : pourquoi n’a-t-elle pas tenté de s’opposer directement à cette décision ?

De même, elle explique que la loi empêche la Maison Blanche de faire campagne depuis ses tribunes officielles. Mais elle n’approfondit pas le fonctionnement précis des responsabilités entre la communication présidentielle, les partis politiques et le bureau de campagne du président, ce qui aurait permis de mieux comprendre le fonctionnement en coulisses.

Elle critique également le manque d’engagement des démocrates dans les nouvelles plateformes de communication comme TikTok ou les podcasts, mais sans préciser pourquoi la Maison Blanche n’a pas exploité ces canaux pour faire entendre ses succès ou ses propositions. Là encore, une occasion manquée de dévoiler un peu plus les mécanismes structurels qui gouvernent la communication politique américaine.

Un message d’espoir et de responsabilité citoyenne

Malgré tout, Jean-Pierre conclut sur une note encourageante, exhortant chacun à ne pas baisser les bras. “Ne renoncez pas. Ne vous laissez pas faire,” écrit-elle, insistant sur le fait que chacun peut faire entendre sa voix sans nécessairement passer par la politique électorale. Selon elle, chaque individu doit trouver ce qui le fait vibrer, ce qui peut réellement changer les choses et améliorer la vie des autres.

Elle invite ainsi à une prise de responsabilité collective et à un regard critique sur notre manière d’engager le combat social et politique. Son appel résonne comme un encouragement à repenser notre engagement, à se montrer plus autonome et à construire un avenir où chaque voix compte, au-delà des appartenances partisanes.

En conclusion, l’ouvrage de Jean-Pierre ne se contente pas d’être un récit personnel ou une critique acerbe, mais une réflexion profonde sur le rôle et la responsabilité de chaque citoyen dans une démocratie en pleine mutation. Un message qui touche, surtout dans un contexte où la désillusion et la défiance envers la politique semblent de plus en plus prévues et répandues.

Naïla Saint-Fleur

Naïla Saint-Fleur

Je suis Naïla Saint-Fleur, journaliste pour Kapzy News et passionnée par les récits qui révèlent la complexité d’Haïti et de la Caraïbe. À travers mes articles, je cherche à donner du sens à l’actualité et à faire entendre les voix de celles et ceux qui construisent le pays au quotidien. L’écriture est pour moi un acte d’engagement et de transmission.