États-Unis et ONU sanctionnent un chef de la sécurité haïtien et chef de gang pour leur rôle dans une coalition violente

20 octobre 2025

États-Unis et ONU sanctionnent un chef de la sécurité haïtien et chef de gang pour leur rôle dans une coalition violente

Les États-Unis et l’Organisation des Nations Unies imposent des sanctions contre deux figures majeures ayant soutenu les gangs haïtiens

Les États-Unis et l’Organisation des Nations Unies (ONU) ont annoncé, ce vendredi, l’adoption de sanctions visant deux figures clés haïtiennes, accusées d’apporter leur soutien à la plus puissante coalition de gangs dans le pays. Ces mesures interviennent dans un contexte de crise sécuritaire croissante en Haïti, la violence et le chaos étant devenus monnaie courante dans la capitale et ses environs.

Le département du Trésor américain a précisé que ces sanctions ciblaient Dimitri Hérard, l’ancien chef de la sécurité présidentielle durant le mandat du défunt Président Jovenel Moïse, ainsi que Kempes Sanon, à la tête du gang Bel Air, basé à Port-au-Prince. Quelques heures après l’annonce américaine, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté à l’unanimité une résolution renforçant ces mesures. Il ordonne à tous les 193 États membres de l’ONU de geler les avoirs de ces deux hommes, d’interdire leur voyage à l’étranger et de mettre en œuvre un embargo sur la livraison d’armes.

Les deux hommes sont accusés de fournir un appui matériel et logistique à la coalition de gangs connue sous le nom de Viv Ansanm, une fédération informelle de groupes criminels responsables d’une grande partie de la violence qui sévit dans la capitale haïtienne. Selon le département du Trésor, Hérard, ancien policier qui avait été incarcéré en lien avec l’assassinat de Moïse en 2021, aurait réussi à s’évader de détention en 2024. Il aurait également collaboré avec la coalition de gangs, ce qui constitue une violation grave des lois en vigueur.

« Hérard soutient directement les attaques coordonnées menées par Viv Ansanm contre les institutions étatiques », indique la déclaration du Trésor. Le département précise aussi qu’il aurait fourni des armes à feu et une formation aux dirigeants de gangs opérant dans tout Port-au-Prince.

Quant à Kempes Sanon, il est soupçonné d’exploiter son influence dans le quartier de Bel Air, une zone stratégique située au cœur de la capitale, pour extorquer les habitants, kidnapper des civils, et percevoir des taxes illégales. L’ONU décrit Sanon comme étant connecté à « un réseau d’individus au sein des institutions gouvernementales, y compris des services de sécurité, qui lui permettent d’échapper à l’arrestation et de continuer ses activités criminelles ». Sanon lui aussi aurait réussi à s’échapper de prison en 2021, alors qu’il était détenu pour enlèvement et vol, indique la résolution de l’ONU.

Bradley T. Smith, directeur de l’Office of Foreign Assets Control (OFAC) du Trésor, a souligné que ces sanctions mettent en lumière le rôle crucial joué par les chefs de gangs et leurs complices, comme Hérard et Sanon, dont le soutien facilite la campagne de violence, d’extorsion et de terrorisme menée par Viv Ansanm en Haïti.

Selon des estimations de l’ONU, près de 90 % de Port-au-Prince sont désormais contrôlés par des gangs, qui ont étendu leurs activités au-delà de la capitale, commettant des pillages, des agressions sexuelles et des kidnappings dans des régions rurales. Depuis l’assassinat de Jovenel Moïse, le pays n’a pas élu de président et ses institutions sont souvent paralysées, malgré la mise en place, cette année, d’un Conseil présidentiel de transition.

L’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC) a également rapporté que l’approvisionnement en armes, principalement en provenance des États-Unis, notamment de Floride, continue de nourrir la violence dans le pays. Hérard est notamment accusé d’avoir facilité la contrebande d’armes et de munitions, ce qui aggrave encore la crise sécuritaire.

Sur le plan international, ces mesures montrent une volonté croissante de la part des grandes puissances de faire face à la crise des gangs en Haïti par des moyens financiers et diplomatiques. Cependant, beaucoup dans la diaspora haïtienne estiment que pour obtenir de véritables avancées, il faudra surtout s’attaquer aux racines du problème : la corruption, la paupérisation et l’instabilité politique profondément ancrées, qui continuent de plonger le pays dans le chaos.

Qu’est-ce que Viv Ansanm ?

Viv Ansanm, un nom créole signifiant « Vivre Ensemble », est une alliance puissante de groupes armés qui a émergé en 2023. Elle rassemble plusieurs des gangs les plus redoutés d’Haïti sous une coalitions lâche mais structurée. Le groupe contrôle de vastes secteurs de Port-au-Prince, notamment les quartiers de Bel Air, Cité Soleil et Carrefour-Feuilles, ainsi que des voies reliant la capitale aux régions environnantes.

Cette coalition déclare lutter contre l’élite politique haïtienne et toute ingérence étrangère, mais dans la réalité, elle s’est rapidement transformée en un syndicat du crime, impliqué dans des kidnappings, des extorsions et des attaques violentes contre la police et la population civile. Elle est largement responsable du déluge de violences qui a paralysé Port-au-Prince au début de 2024, provoquant le déplacement de dizaines de milliers d’habitants.

D’après l’ONUDC, la montée en puissance de Viv Ansanm repose principalement sur une circulation accrue d’armes en provenance des États-Unis, notamment via la Floride, ainsi que sur l’effondrement des institutions étatiques. Les leaders de la coalition, tels que Kempes Sanon ou Jimmy “Barbecue” Chérizier, opèrent quasiment en toute impunité, les forces de sécurité haïtiennes étant sous-financées et mal équipées.

Les experts et militants issus de la diaspora haïtienne mettent en garde : tant que les causes profondes telles que la pauvreté, la corruption et l’instabilité politique ne seront pas traitées, Viv Ansanm risque de continuer à prendre de l’ampleur, se forgeant une véritable puissance parallèle qui pourrait remettre en question toute perspective de transition vers une gouvernance stable et crédible.

Naïla Saint-Fleur

Naïla Saint-Fleur

Je suis Naïla Saint-Fleur, journaliste pour Kapzy News et passionnée par les récits qui révèlent la complexité d’Haïti et de la Caraïbe. À travers mes articles, je cherche à donner du sens à l’actualité et à faire entendre les voix de celles et ceux qui construisent le pays au quotidien. L’écriture est pour moi un acte d’engagement et de transmission.