Une nouvelle étape pour l’organisation HCX : un changement de lieu après plus d’une décennie à Brooklyn
Depuis plus de dix ans, Haitian Cultural Exchange (HCX) a été un espace incontournable pour la communauté haïtienne de New York, accueillant célébrités, artistes, créateurs, acteurs et activistes porteurs de messages importants. Fondée en 2009 par la militante communautaire Régine Roumain, cette organisation a été créée pour combler un déficit culturel au sein de la communauté haïtienne new-yorkaise : celui de disposer d’un lieu permanent consacré à l’art, à l’artisanat et à la narration de l’histoire haïtienne. Pendant toute cette période, plusieurs événements ont été organisés pour célébrer Haïti à travers la danse et les arts, mais il manquait un espace où la communauté pouvait s’investir régulièrement dans la diversité de ses expressions créatives.
Cependant, après quatorze années passées au sein de la galerie, Régine Roumain a annoncé la semaine dernière que cette organisation à but non lucratif, spécialisée dans la mise en valeur des arts et de la culture haïtienne, allait déménager dans un nouvel emplacement. Ce dernier sera situé dans une zone que la communauté haïtienne de Brooklyn connaît bien : le 35 de l’avenue Lafayette, juste à côté de l’ancien restaurant La Caye.
Une localisation chargée d’histoire pour la communauté
Ce restaurant, propriété de Ralph Gemau, avait longtemps été un lieu de rassemblement pour la communauté et pour les représentants élus haïtiens. La nouvelle localisation a été accueillie avec enthousiasme par les membres de la communauté.
« C’est un retour dans un espace haïtien, situé dans l’un des quartiers culturels les plus importants de Brooklyn. Sa facilité d’accès et sa visibilité offrent une opportunité unique de faire rayonner la culture haïtienne », explique Régine Roumain.
Si certains ont perçu leur déménagement comme soudain, la responsable de HCX précise que cette décision n’a pas été prise à la légère. Elle indique en effet que cette relocalisation était connue de longue date. En janvier 2024, le propriétaire du bâtiment accueillant la galerie, informait qu’il envisageait de le vendre, laissant ainsi HCX devoir quitter les lieux au plus tard en juillet 2025.
Malgré ses tentatives de négociation pour conserver l’espace, sans succès, Régine Roumain confie avoir rencontré des réponses ambigües de la part des nouveaux propriétaires qui envisagent désormais de donner une orientation plus commerciale à l’immeuble. La situation ne laissait pas d’autre choix que de chercher un nouveau domicile pour l’organisation, sans savoir si elle pourrait revenir un jour dans ses anciens locaux.
Une relocalisation motivée par plusieurs enjeux
Plusieurs facteurs expliquent cette décision de déménagement. La gentrification du quartier, avec ses grands projets de développement immobilier, joue un rôle indéniable. Régine Roumain souligne la rapide transformation du secteur de Crown Heights, où d’importants projets reconfigurent le paysage urbain.
Mais au-delà de ces enjeux urbains, la relocalisation a également une dimension personnelle. La précédente copropriétaire du bâtiment, Edith Ferber — héritière de la fiducie Herbert Ferber et grande soutienne des arts — est décédée durant la pandémie de COVID-19. À sa disparition, la fiducie a été contrainte de liquider ses biens, notamment en vendant le bâtiment, ce qui a contraint HCX à chercher une nouvelle maison.
Les défis actuels ne s’arrêtent pas là : la situation financière de HCX est également fragilisée par des réductions de financement. En effet, le groupe fait face à des coupes budgétaires de la part du National Endowment for the Arts, dont il bénéficiait depuis de nombreuses années. Régine Roumain évoque une « pression énorme pour une petite organisation » confrontée à ces restrictions.
Vers un avenir prometteur pour HCX
Malgré ces obstacles, l’organisation reste optimiste quant à l’avenir. HCX a lancé une résidence musicale en direct, baptisée Mizik Ayiti, chaque jeudi soir. Elle est aussi en train d’interviewer des artistes pour le prochain programme de résidence Lakou Nou et développe un partenariat avec Kay Atizan pour proposer davantage d’artisanat à la vente. L’objectif est clair : faire de HCX une destination de référence autant pour l’art visuel que pour l’artisanat fait main.
« Notre démarche ne concerne pas uniquement une vision centrée sur la communauté noire, mais une perspective globale, juste et authentique », explique Kassandra Khalil, gestionnaire de programme pour HCX. Elle souligne également la commodité du nouveau site, situé au cœur du district créatif de Brooklyn, à proximité de la station Atlantic Terminal.
Les nouveaux voisins de HCX incluent des institutions prestigieuses telles que le Brooklyn Academy of Music, BRIC Arts Media, le Musée d’Art Contemporain de la Diaspora africaine, ainsi que la société de production 40 Acres and a Mule Filmworks, fondée par Spike Lee.
« C’est une opportunité excitante de montrer qu’il n’est pas nécessaire d’être une grande structure pour faire vivre la culture dans le district artistique de Brooklyn », affirme-t-elle.
Ce qui rend le nouvel emplacement particulièrement significatif, c’est que HCX revient à ses racines. La fondatrice, Régine Roumain, a lancé l’organisation depuis sa résidence à Fort Greene. Elle a également travaillé de près avec Ralph Gemau, ancien propriétaire des locaux, au fil des années. Aujourd’hui, après toutes ces années, HCX revient pratiquement à l’angle de l’endroit où tout a commencé.
« Nous sommes ravis de revenir dans nos quartiers d’origine », confie Régine Roumain. « Cela ressemble à un retour, mais aussi à une opportunité de créer quelque chose de nouveau. »