Défaite des femmes haïtiennes face au Maroc : un appel à l’aide pour Les Grenadières – Analyse

30 octobre 2025

Défaite des femmes haïtiennes face au Maroc : un appel à l’aide pour Les Grenadières – Analyse

Les difficultés de l’équipe féminine d’Haïti après la défaite face au Maroc

Regarder le match entre Haïti et le Maroc mardi soir a suscité la surprise chez ceux qui suivent de près le football, tant il est difficile d’imaginer que, il y a seulement deux ans, l’équipe féminine haïtienne se trouvait en lice pour la Coupe du Monde 2023. Cette formation avait alors incarné un espoir non seulement dans le contexte sportif difficile du pays, mais également comme un symbole de fierté nationale. Les joueuses, alors, se montraient rapides, robustes, précises et déterminées.

Mais lors de la rencontre qui se déroulait le 28 octobre au Stade Pere Jego à Casablanca, cette image n’était plus la même. L’équipe féminine d’Haïti, surnommée Les Grenadières, semblait bien loin de leur meilleure forme. La star du milieu de terrain, Melchie Dumornay, qui avait commencé une saison exceptionnelle avec son club Olympique Lyonnais, a multiplié les erreurs, perdant le ballon à plusieurs reprises. La buteuse Nerilia Mondesir, habituellement calme et concentrée, a à plusieurs reprises poussé avec excès des joueuses marocaines, allant même jusqu’à leur crier après une altercation en plein match. Quant à Jennyfer Limage, connue pour son intelligence de jeu en défense, elle a maladroitement perdu le ballon dans sa zone, contribuant à la défaite de son équipe.

Une défaite 3-0 qui témoigne de graves problèmes

Ce revers score de 3-0 face au Maroc, en match amical, n’est malheureusement pas une surprise : il traduit la gravité de la situation. L’incapacité de réaliser de simples passes, alors que ces mêmes joueuses brillent au niveau de leurs clubs, pointe vers un problème plus profond : un déficit évident de cohésion d’équipe, tant sur le terrain qu’en dehors. Cela soulève également des interrogations concernant le plan de la Fédération haïtienne de football (FHF), qui espérait capitaliser sur le succès de Les Grenadières en 2023 pour bâtir une équipe solide pour l’avenir.

Le mécontentement grandissant autour de l’entraîneur

Les supporters comme les analystes sportifs affichent désormais une impatience croissante à l’encontre de l’entraîneur Malou Quignette. Certains n’hésitent pas à faire des parallèles entre la situation actuelle et un déclin implacable, exigeant le remplacement de Quignette par un entraîneur plus expérimenté. « Ses choix tactiques et sa gestion du vestiaire sont à la racine de nos difficultés, » explique un analyste sportif, Caleb Jephte Pierre, sur Facebook après la rencontre. « La FHF doit agir rapidement pour redorer la réputation de l’équipe. »

Le temps joue contre eux, car le processus de qualification pour la Coupe du Monde Féminine 2027 débutera en novembre, et il faudra un miracle pour remettre cette équipe sur pied en si peu de temps.

Les racines du mal dans la dernière Coupe du Monde

De nombreux observateurs et fervents supporters estiment que le véritable problème a commencé lors de la Coupe du Monde 2023, où l’équipe, dirigée alors par l’entraîneur Nicolas Delépine, a été éliminée dès la phase de groupes en n’ayant enregistré aucune victoire, aucun nul, et en concédant trois défaites sans marquer un seul but. Ce revers a laissé une lourde tache, encore visible aujourd’hui, qui n’a fait que s’aggraver depuis la prise de fonction de Quignette en septembre 2024, remplaçant Delépine.

Depuis cette transition, la sélection n’a obtenu que deux victoires en onze rencontres, avec une série de deux essais réussis, un nul et huit défaites, en étant largement dépassée en termes de buts inscrits (9 contre 25). Pour le moment, aucun plan clair ne semble en place pour inverser la tendance.

Un problème plus profond que les résultats

Au-delà du terrain, le problème paraît s’étendre dans l’esprit des joueuses et leur cohésion. La difficulté à retrouver une harmonie mentale se manifeste dans leur langage corporel, leurs performances, et surtout leur attitude face au jeu.

Un déficit de concentration et d’esprit d’équipe

Les joueuses ont semblé manquer de concentration, multipliant les erreurs dans des passes simples, semblant dépassées et parfois même irritées. Connu pour leur esprit combatif et leur philosophie du “ne jamais abandonner”, elles apparaissaient mardi plutôt désespérées. Dumornay, en lice pour le Ballon d’Or le mois dernier, a préféré fixer le vide plutôt que de se battre pour reprendre le contrôle du ballon. Mondesir, quant à elle, a souvent baissé la tête après une perte de balle, en tentant une frappe faible dans le dernier quart d’heure.

Le manque de cohésion était également évident : on aurait dit que les joueuses ne connaissaient pas toujours la position de leurs coéquipières, et anticiper leurs mouvements semblait leur échappait complètement. Ces difficultés se sont traduites par une faiblesse à faire circuler le ballon de la défense au milieu de terrain, ce qui a abouti aux deux premiers buts marocains, ainsi qu’à leur incapacité à réagir contre la pression adverse.

Le premier but est arrivé lorsque Mondesir a perdu le ballon dans la défense, permettant à la milieu de terrain marocaine Imane Saoud de fusiller la gardienne Kaina Pietrus. Le second a été inscrit par Ghizlane Chebbak, qui a doublé la mise dans la seconde période. Enfin, dans le dernier acte, Limage, sans soutien sur le côté, a tenté de dribbler à travers une rangée de défenseurs marocains, mais a perdu le ballon, permettant à Najat Badri de marquer le dernier but de la rencontre.

Malgré la présence de Danielle Etienne, milieu de terrain expérimentée, le coach Quignette n’a pas trouvé le moyen de l’utiliser en cours de match.

Une fracture dans la camaraderie

L’ambiance entre les joueuses semble également avoir subi un affaiblissement notable. Dans la seconde moitié des années 2010 et au début des années 2020, elles partageaient souvent des vidéos sur les réseaux sociaux, dansant et célébrant leur solidarité. Aujourd’hui, cette complicité a laissé place à une distance palpable. La baisse du nombre de rencontres amicales et de sorties communes contribue à fragiliser encore plus les liens, renforçant l’impression que la cohésion collective s’est fissurée.

Si des désaccords ou des tensions hors du terrain peuvent alimenter la controverse, ce qui est évident sur le terrain est que Haïti traverse une crise profonde. La reconstruction de cette équipe est urgente si elle veut espérer retrouver la gloire de 2023 ou, à tout le moins, marquer un but en cette période de difficultés.

Naïla Saint-Fleur

Naïla Saint-Fleur

Je suis Naïla Saint-Fleur, journaliste pour Kapzy News et passionnée par les récits qui révèlent la complexité d’Haïti et de la Caraïbe. À travers mes articles, je cherche à donner du sens à l’actualité et à faire entendre les voix de celles et ceux qui construisent le pays au quotidien. L’écriture est pour moi un acte d’engagement et de transmission.