De Port-au-Prince au monde, avec une vision
Lorsque Gil Sander Joseph et Wilhem Hector se sont rencontrés pour la première fois lors de leur adolescence, au sein de l’Établissement Saint-Louis de Gonzague (ISLG), une école catholique de Port-au-Prince, ils n’auraient jamais imaginé qu’une simple rivalité en classe allait évoluer en une amitié solide, s’étendant à travers les continents et fréquentant des universités de renommée mondiale.
Avant que leur amitié ne naisse, leurs enseignants dans leurs écoles respectives ne cessaient de les comparer, les poussant chacun à surpasser l’autre. Ce n’est qu’après avoir partagé une salle de classe à l’ISLG que leur rivalité s’est transformée en respect mutuel, puis en amitié fondée sur le soutien réciproque.
« À cette époque, nous étions seulement deux jeunes avec de grands rêves », se souvient Hector. « Nous ne savions pas que nous entamions une amitié qui façonnerait notre avenir. Mais nous avions compris que nous serions bien plus forts en travaillant ensemble plutôt qu’en étant en compétition. »


De Port-au-Prince au monde, avec une ambition
Leurs rêves les ont rapidement conduits à l’étranger. Chacun a obtenu une bourse pour terminer ses études secondaires via le programme rigoureux du Baccalauréat International (IB), en Europe — Joseph en Allemagne, Hector en Norvège. Après avoir obtenu leur diplôme IB en 2021, ils ont quitté l’Europe pour poursuivre leurs études universitaires aux États-Unis.
Joseph s’est inscrit à l’Université de Princeton, où il a choisi la sociologie avec une option en études latino-américaines, tandis qu’Hector a entamé des études d’ingénierie mécanique au Massachusetts Institute of Technology (MIT). Ils ont tous deux laissé derrière eux parents et frères et sœurs plus jeunes en Haïti, déterminés à réussir non seulement pour eux, mais aussi pour leur famille et leur pays.
« Juste avant de finir ma licence, je pensais à rentrer chez moi tout de suite pour chercher un emploi et soutenir ma famille », confie Hector.
« À cette époque, nous étions seulement deux jeunes avec de grands rêves. Nous ne savions pas que nous étions en train de commencer une amitié qui influencerait notre avenir. Mais nous avons compris que nous serions bien plus forts en nous soutenant mutuellement au lieu de nous concurrencer. »
Wilhem Hector
Mais leurs ambitions ont grandi avec chaque opportunité. Joseph a été diplômé de Princeton et est devenu boursier Knight-Hennessy à Stanford, en Californie, où il poursuit un master en politique internationale avec une spécialisation en migration. Hector a obtenu son diplôme d’ingénieur en mécanique au MIT et a remporté une bourse Rhodes pour l’Université d’Oxford, où il envisage d’étudier les systèmes énergétiques et la mécanique des fluides environnementale en post-graduation.
Ensemble, ils ont marqué l’histoire en étant les premiers Haïtiens à recevoir ces deux distinctions parmi les plus prestigieuses au monde.
Joseph se définit comme profondément engagé dans la justice migratoire. Ses travaux de recherche et ses activités sur le terrain portent sur la gouvernance équitable de la migration mondiale, mêlant analyse politique et plaidoyer juridique.

Ils maîtrisent tous deux quatre langues. Hector se spécialise dans la conception et l’optimisation d’installations d’énergies renouvelables à l’échelle mondiale. Fort d’une expérience dans les projets éolien, solaire, géothermique, hydrogène, ainsi que dans les infrastructures, il souhaite apporter ses compétences techniques et sa passion pour le développement durable pour Haiti et la région des Caraïbes.
De son côté, Joseph veut travailler à l’intersection de la recherche en politique et du plaidoyer juridique afin de promouvoir une gouvernance équitable de la migration mondiale. À Princeton, sous la tutelle de la Professeure Filiz Garip, il a mené des recherches sur la prise de décision des Haïtiens vivant à São Paulo, concernant leur choix de rester au Brésil ou de migrer aux États-Unis.
En dehors du monde académique, ils co-dirigent la Hector Foundation, une organisation à but non lucratif qu’ils ont créée en 2019 pour élargir les opportunités éducatives pour les jeunes Haïtiens.
« Tout ce que Gil et moi faisons, déclare Wilhem, c’est avec le pouvoir de la détermination et d’un but précis. »
Les deux hommes attribuent à la faiblesse du système éducatif haïtien leur détermination renforcée.
« Chaque bourse que j’ai obtenue n’était pas seulement pour moi — elle portait l’espoir de beaucoup d’autres. »
Gil Sander Joseph
« Chaque bourse que j’ai obtenue n’était pas juste pour moi », explique Joseph. « Elle rappelait que mon parcours portait l’espoir de beaucoup de personnes qui n’ont jamais eu la même chance. »
Hector ajoute : « Nous ne faisons pas des études en politique ou en ingénierie simplement pour publier des articles. Nous le faisons parce que les enjeux sont réels. Nous avons vécu ce que signifie un système défaillant, et nous savons ce que cela pourrait impliquer si ces systèmes fonctionnaient. »
Ils travaillent tous deux à créer une voie pour les générations futures d’Haïtiens, afin que la chance ou la réussite ne soient plus l’exception mais la norme.
« Bien que nous ayons bénéficié d’être les exceptions ou d’avoir eu de la chance dans un pays où les opportunités sont rares, nous ne voulons pas que cela soit perçu comme une particularité », assure Joseph. « Nous souhaitons participer à changer cette image. »

Réimaginer l’avenir d’Haïti, redonner en partageant amitié et héritage
À travers la Hector Foundation, Gil et Wilhem ont déjà commencé à faire une différence concrète. En partenariat avec près de 20 institutions et entreprises locales et internationales, ils ont créé le premier espace « makerspace » en Haïti dédié à l’ingénierie, baptisé Project Manus. Ils ont également lancé plusieurs initiatives éducatives intégrées à un camp d’été phare — le Programme pour l’Avancement des Jeunes Chercheurs (PAYS) — leur permettant de développer de nombreux camps de formation gratuits en robotique et en ingénierie, notamment le Dynamic Robotics Independent Learning Lab (DRILL) et le Guided Engineering and Advanced Robotics Lab (GEAR Lab), qui ont déjà bénéficié à des centaines de jeunes à Port-au-Prince et en région métropolitaine.
Ce summer, ils ont approfondi leur travail avec un camp de robotique de deux semaines et des ateliers, formant les étudiants à la conception, la construction et la programmation de robots ressemblant à des Segway. Pour eux, ce n’est pas juste une initiation aux STEM (sciences, technologie, ingénierie, mathématiques) : « Il s’agit surtout de montrer à la jeunesse haïtienne de quoi elle est capable lorsqu’on lui en donne l’opportunité, et que l’innovation est à leur portée », ils expliquent.
« Nous avons vécu ce que signifie un système défaillant, et nous savons ce que cela pourrait impliquer s’ils fonctionnaient. »
Wilhem Hector
Depuis ses débuts, la fondation a levé plus de 100 000 dollars pour offrir aux jeunes une formation directe et pour les engager à travers des ateliers. À ce jour, plus de 400 élèves de la 6ème à la terminale, dont 65 % de filles, ont été dotés de compétences techniques, de confiance en leur créativité et d’une vision pour reconstruire Haïti de l’intérieur.
« Haïti n’a pas besoin d’être sauvée de l’extérieur », affirme Joseph. « Elle a besoin que ses propres habitants soient autonomes, armés de compétences, de réseaux et d’une vision pour la transformer de l’intérieur. »
Malgré la distance atlante, leur amitié reste solide. Leur relation continue de nourrir leur détermination, leur ouverture d’esprit, leur leadership et leur travail acharné.
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Interrogé sur la façon dont ils se décriraient en un seul mot, Hector a répondu « Implacable. Gil ne s’arrête pas tant qu’il n’a pas trouvé de solution ». Joseph a choisi « Solide » : « Peu importe la distance parcourue, il ne perd jamais de vue d’où il vient. »
Ils ont tous deux également retenu le mot « camaraderie » pour définir la signification de leur relation.
« Haïti n’a pas besoin d’être sauvée de l’extérieur. Elle doit d’abord donner à ses habitants les compétences, les réseaux et la vision pour la transformer de l’intérieur. »
Gil Sander Joseph
De rivaux à Port-au-Prince à partenaires durables et universitaires à Stanford et Oxford, leur parcours met en lumière le potentiel de la jeunesse haïtienne et la force de l’amitié pour nourrir l’espoir. À travers la Hector Foundation, Gil et Wilhem transmettent déjà cet espoir à toute une nouvelle génération, déterminée à changer leur pays.