Retour triomphal des forces armées haïtiennes après une formation intensive au Mexique
Le samedi 20 septembre, Port-au-Prince a vécu un moment important avec l’arrivée en grande pompe de 143 soldats des Forces armées d’Haïti (FAd’H), qui étaient de retour après avoir suivi huit semaines de formation approfondie au Mexique. Cette initiative s’inscrit dans un programme bilatéral destiné à renforcer la capacité du pays à lutter contre la violence des gangs armés, qui gangrènent la sécurité et la stabilité nationales.
Une cérémonie de bienvenue marquante
Les soldats, composés de 128 hommes et 15 femmes, ont été accueillis à l’aéroport international Toussaint Louverture par une délégation officielle comprenant des figures clés telles que Laurent Saint-Cyr, président du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé, le ministre de la Défense Jean Michel Moïse, ainsi que des haut responsables militaires et policiers haïtiens, sans oublier l’ambassadeur du Mexique en Haïti. La cérémonie fut chaleureuse, symbole de la volonté nationale de renforcer ses forces de sécurité face à une menace grandissante.
Les apprentissages durant la formation
Pendant leur stage, ces officiers de l’armée haïtienne ont été formés à diverses compétences essentielles pour faire face à la crise sécuritaire. Leur programme comprenait notamment des cours sur l’autodéfense, la manipulation des armes à feu, mais aussi des droits humains, afin d’assurer une conduite conforme aux principes internationaux en matière de respect des populations. À leur retour, ils reprennent du service en pleine période de crise, où les attaques menées par des gangs n’ont cessé de s’intensifier, fragilisant les villes telles que Mirebalais, Saut-d’Eau, La Chapelle, Liancourt, Kenscoff, Gros-Morne, ainsi que Arcahaie et Bassin-Bleu, où des commissariats de police et des bâtiments publics ont été incendiés.
Une déclaration forte pour l’avenir
Le ministre de la Défense, Jean Michel Moïse, a affirmé avec détermination : « L’objectif unique de ce gouvernement est de renforcer notre capacité militaire en termes de personnel, d’équipements, d’infrastructures et de technologies pour défendre notre pays contre ceux qui cherchent à détruire notre mode de vie paisible. » Ces mots soulignent la volonté ferme du gouvernement haïtien de faire face à la menace persistante des gangs armés.
Une situation sécuritaire toujours critique
L’arrivée des soldats haïtiens intervient dans un contexte de violences croissantes. Le 11 septembre, plus de 50 personnes ont été tuées à Labodrie, Cabaret. La même semaine, dans la commune de Kenscoff, des gangs ont tendu une embuscade à la police, tuant un conducteur et blessant deux agents. Dans le nord-ouest, à Bassin-Bleu, au moins une personne a été tuée, dix ont été enlevées et plusieurs autres blessées lors d’une violente attaque. Les gangs ont incendié des habitations, des banques, un hôpital local et des bâtiments administratifs, y compris la station de police et la mairie.
Ces événements illustrent que la violence n’est plus confinée à la capitale, où les gangs contrôlent déjà plus de 90 % de Port-au-Prince et de ses environs. Les autorités locales alertent aujourd’hui sur la vulnérabilité croissante des zones rurales, jusque-là réputées relativement calmes. De la vallée de l’Artibonite à l’extrême nord-ouest, les gangs ciblent les petites villes agricoles, coupant les voies d’approvisionnement et provoquant le déplacement de milliers de personnes. Malgré les promesses de renforts, notamment par la coopération internationale, la police et l’armée ne disposent pas encore de suffisamment de moyens pour faire face efficacement à ces dérives.
Les efforts internationaux pour soutenir la sécurité
Depuis l’année dernière, une Mission Multinational de Soutien à la Sécurité (MSS), menée par le Kenya et appuyée par l’Organisation des Nations unies, intervient dans le pays. Son objectif principal est d’aider le gouvernement haïtien à lutter contre les gangs. Cependant, malgré plusieurs mois d’opérations, cette mission a été jugée lente et peu performante, faute de moyens suffisants et d’un mandat clair.
Les forces de la MSS se limitent actuellement à la sécurisation des périmètres autour de Port-au-Prince, sans mener d’actions décisives pour démanteler les groupes armés ni sécuriser les routes principales. La coordination étant déficiente et les ressources insuffisantes, la mission peine à atteindre ses objectifs. Face à ces limites, les États-Unis et certains pays de la région appellent à une transformation de la dispositif ou à sa substitution par une force spécialisée dans la lutte contre les gangs, la Garde de Soutien aux Gangs (GSF). Cette unité aurait pour mission de mener des opérations offensives, de reprendre les territoires contrôlés par ces groupes et d’affaiblir leur pouvoir.
Les discussions sur cette question se multiplient au Conseil de sécurité de l’ONU ainsi qu’au sein de l’Organisation des États Américains (OEA) et de la Communauté caribéenne (CARICOM), tous conscients que la seule approche défensive ne suffira pas à endiguer la crise sécuritaire. Sans un changement radical de stratégie, la situation risque de s’aggraver, impactant la région toute entière et même au-delà.
Une volonté renouvelée de reconstruire une armée haïtienne moderne
Ce retour des forces armées haïtiennes s’inscrit dans la volonté du pays de relancer une institution longuement délaissée. La reconstruction de l’armée haïtienne, dissoute en 1995 par l’ancien président Jean-Bertrand Aristide à la suite de décennies de coups d’État et de violations des droits, a été relancée en 2017 par le président assassiné Jovenel Moïse. Aujourd’hui, la nouvelle force compte environ 1 300 soldats, soit une fraction des 7 000 militaires qu’elle rassemblait autrefois, aux côtés de 10 000 policiers que la police nationale assiste pour protéger près de 12 millions d’habitants.
Le ministre de la Défense insiste sur les valeurs que doit véhiculer cette force : « La valeur de l’armée se mesure par sa disponibilité, sa discipline et son engagement à mener à bien ses missions. Un soldat ne quitte jamais une mission en cours. » Ces principes fondamentaux doivent permettre à cette nouvelle armée d’incarner un rempart face à la violence et à l’insécurité.
Le renforcement des partenariats internationaux
Parallèlement, certains soldats haïtiens bénéficient d’un entraînement à l’étranger. À partir du 15 septembre, vingt-cinq d’entre eux ont entamé une formation de deux semaines en Martinique dans le cadre du programme Haiti-France Sabre. Les modules abordent notamment le combat urbain, les opérations de sauvetage et la manipulation des armes. Depuis 2024, des instructeurs français ont déjà formé plusieurs dizaines de militaires haïtiens, témoignant d’un engagement international renouvelé pour renforcer la sécurité dans la région.
De plus, en 2022, une autre promotion de 29 sous-officiers a suivi une formation dans un centre spécialisé en opérations spéciales, tandis qu’un groupe de 150 soldats est parti en Mexique pour une formation avancée en drones, tactiques de guérilla, tir de précision et démolition. En 2023, 100 soldats ont participé à des entraînements spécifiques aux forces spéciales mexicaines.
Après ces premiers modules, le Mexique a encore promis de former 200 autres membres des forces armées haïtiennes, destinés à constituer une unité spéciale frontalière, aidant la police dans la lutte contre les gangs. Selon Enold Joseph, ancien ministre haïtien de la Défense, cette coopération s’est concrétisée lors de la XV Conférence des ministres de la Défense des Amériques, tenue au Brésil, où le gouvernement haïtien a présenté ses défis sécuritaires.
Un héritage de reconstruction militaire
Cette initiative s’inscrit dans la volonté de reconstruire une armée haïtienne qui a été dissoute en 1995, laissant le pays fragilisé face à une insécurité grandissante. La force est relancée depuis 2017 et, aujourd’hui, elle reste encore fragile, avec un peu plus de 1 300 soldats, contre 7 000 auparavant. La police nationale, qui compte une dizaine de milliers d’agents, continue de jouer un rôle clé dans la protection de la population.
Le ministre Moïse insiste sur la discipline et la détermination : « La valeur de notre armée repose sur sa capacité à être prête, formée et engagée. Jamais un soldat ne doit abandonner sa mission. » Ce message souligne la volonté de bâtir une force crédible et efficace pour faire face à la crise.
Une formation internationale pour renforcer la sécurité
Enfin, des formations se poursuivent à l’étranger. Depuis le 15 septembre, une cohorte de 25 militaires haïtiens suit une formation de deux semaines en Martinique, dans le cadre du partenariat Haiti-France Sabre. Les modules abordent des aspects tels que le combat en milieu urbain, le sauvetage de civils, et la maîtrise des armes. La participation de formateurs français témoigne de l’implication croissante de la communauté internationale dans le renforcement des capacités de défense haïtiennes.
Toutefois, beaucoup soulignent que la formation seule ne pourra suffire à changer la donne. La FAd’H comme la police nationale souffrent toujours d’un déficit en armes, véhicules et équipements de protection. Pour l’heure, la population des régions rurales comme celle de la capitale attend encore que ces efforts de formation se traduisent en une protection efficace sur le terrain. Seule une action concrète, adaptée à la gravité de la situation, pourra espérer restaurer la paix et la sécurité en Haïti.