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9 avril 2024

Haïti et COVID-19 : Analyse des enjeux

Haïti et COVID-19 : Analyse des enjeux

Auteure: Rose Laure ESTANT

Depuis tantôt trois mois, le monde connait un bouleversement sans précédent. Il s’agit du nouveau CORONAVIRUS dénommé COVID-19. Le premier cas a été découvert le 12 décembre 2019 dans la ville de Wuhan en Chine ». Depuis lors, Le COVID-19 ne cesse de rependre dans le monde à travers la circulation des personnes. Cette maladie, devenue virale et mortelle fait peur et occupe, à elle seule, les débats publics.
Face à l’expansion rapide de ce virus sur plusieurs continents, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), bien que réticente au début, a finalement qualifié la situation de pandémique, en date du 11/03/2020. L’épicentre de ce fléau se déplace vers le continent européen qui, aujourd’hui, à l’évidence, enregistre le plus de cas de personnes infectées et décédées. En cette situation de panique et d’incertitude générale, les pays européens, dorénavant les plus à risques (l’Italie, La France, l’Espagne et l’Allemagne), essayent de limiter en quelques sortes au maximum la propagation du virus. Somme toute, ils sont contraints à prendre des mesures géopolitiques et stratégiques consistant d’une part à fermer leurs frontières et d’autre part à confiner leur population locale. Malgré le covid-19 est mondial. Certains pays n’ont pas encore enregistré de cas jusqu’à date. Toutefois ces derniers, prennent au maximum des mesures préventives en vue d’éviter que le virus les atteigne. C’est dans ce contexte que, nous sommes amenés à jeter un regard réflexif sur Haïti, pays appauvri, laissé pour compte, gangrené par la corruption dans l’indifférence des prétendues grandes démocraties.


Haïti connaît un dysfonctionnement systématique, accentué ces dernières décennies en raison de la corruption généralisée. Du coup, le système sanitaire du pays est en grande défaillance. Néanmoins, malgré cette situation, le pays est amené à prendre des mesures, comme beaucoup d’autres pays, pour protéger sa population. Par hasard, le covid-19, selon les autorités haïtiennes, n’est pas encore entrée en Haïti. De quelles mesures parlent les autorités haïtiennes? Quels sont et quels seront les enjeux de ces mesures ?


Dans cet article, il importe, d’abord, de jeter un regard sur le choix fait par les autorités haïtiennes de fermer ses frontières (avec certains pays). Ensuite, il sera question d’esquisser la situation sanitaire en abordant le système de santé publique de manière éclairante
Fermeture des frontières, jeu à somme nulle.


Le débat que soulève la question du coronavirus, semble fait tomber le masque de la logique du monde globalisé dans le système capitaliste. Ce dernier, qui redessine le monde depuis ces dernières décennies, est entrain de remettre en question ses propres fondements: le monde, village globale et connecté, dans la mondialisation. En effet, les effets d’externalité assignent à certain pays de se protéger et rompre les règles du libéralisme économique. En conséquence, Haïti, pays pauvre ou appauvri semble-t-il, est en grand manque de choix par rapport à son incapacité à pouvoir s’auto-alimenter. Il ne peut dans ce contexte que décliner les accords ratifiés dans la libre circulation pour se protéger.
Ces mesures surviennent suite aux visages apeurés du coronavirus qui laisse dans la panique quasi générale les pays aux faibles infrastructures. Dans cet ordre d’idée, le gouvernement Haïtiens à travers son premier ministre, en vue de protéger les haïtiens, même si aucun cas n’a été enregistré jusqu’à date, est amené à prendre des mesures telles que; la fermeture de ses frontières avec la république dominicaine et suspend tous les vols provenant du continent Européen, du Canada et de l’Amérique latine. En revanche, elle maintient les vols en provenance des Etats Unis, ces derniers qui enregistrent, eux aussi, des cas considérable de personnes infectées. Ces mesures prises par le gouvernement semblent visiblement taillées sur mesure.

C’est la moindre des choses à faire quand il s’agit de protéger son peuple face à une menace extérieure. Pour rappel, les données venant de la RD, fait état de Onze (11) cas de coronavirus enregistrés. Ce qui normalement doit faire flipper les autorités haïtiennes et du coup appliquent des règles strictes contre un possible transfert de ce virus par les échanges terrestres. Cependant, ces mesures font baver les dominicains. Via Twitter. On peut lire des injures proférées à l’endroit des Haïtiens pour avoir osé fermer leurs frontières. Au regard de ces mesures prises par le gouvernement haïtien, faut-il croire qu’un plan a été déjà mise en place en cas d’un niveau d’accélération de la pandémie ? Quelles stratégies mises en place par les autorités pour subvenir aux besoins de sa population ? On est certain que le jeu ne vaut pas la chandelle et les conséquences seront assez considérables pour les deux pays. De plus, Haïti est le deuxième marché de la République Dominicaine après les États-Unis. Son économie repose en majeur partie sur le marché haïtien. De ce fait, une telle mesure a de quoi fait remonter le rythme cardiaque des dominicains.

Haïti depuis presque trois à quatre décennies n’est plus autosuffisante. Pays de l’urgence, sa consommation dépend exclusivement de l’extérieur. Ces dernières années, les produits de la république dominicaine et USA constituent l’essentiel de ses consommations premières. Ne serait-ce l’occasion pour Haïti de reconsidérer les rapports de libre échange avec les autres pays de la CARICOM.
Problématique sanitaire : Entre manquement et vide
Le contexte actuel nous met par devant une peur collective relevant de la santé publique. Le virus n’est pas une construction sociale, c’est une réalité à proprement parler. Toutes les mesures de précautions maximum ne sont pas toujours parfaitement rationnelles. Par devant ce danger qui advienne, une remarque importante s’impose sur que faire, tenant compte que la santé constitue un droit fondamental pour tout être humain, quel que soit sa classe sociale. Il se relativise dans le cas haïtien.

En effet, le système de santé haïtien est à nu à en croire les données. Haïti comptait en 2011 : 2341 infirmières, 1392 médecins, 2337 auxiliaire/infirmières, 50 dentistes et 35 anesthésistes. Pour chaque 100.000 haïtiens, elle compte 23,23 infirmières, 13.3médecins, 23,17 auxiliaire/infirmières de plus, 0,5 dentistes, 0,35 anesthésistes. Le pays dispose 2348 lits d’adultes et 576 lits pédiatriques avec matelas. Notons par ailleurs que ces données ne sont pas exhaustives. Elles peuvent tout au plus modifier durant les neuf(9) dernières années qui précèdent. Elles sont les seules données disponibles sur le site du MSPP. Tout porte à croire qu’Haiti n’est pas prête à faire face à l’intrusion du COVID-19. Rappelons dans ce flou, les différents gouvernements durant les 15 dernières années ont récemment dépensé dans une opacité évidente près de 4 milliards de dollars.


En outre, la descente aux enfers poursuit son chemin. Le budget alloué au ministère de la Santé publique et de la Population (MSPP) a encore connu une baisse considérable dans le budget rectificatif, publié le 10 septembre dans le journal officiel: le Moniteur. Elle passe de 4, 4% pour l’exercice 2017-2018 à 3, 9%. Avec une baisse de 0, 5%. Dans le budget rectifié, le ministère de la Santé publique et de la Population sort avec une enveloppe de 5 milliards 698 millions de gourdes alors qu’il disposait de 6.1 milliards de gourdes. Sur les 15 dernières années, les allocations de la santé sont passées de 16,6% en 2004 à 3,9% en 2018. On a de quoi à s’inquiéter sur le danger potentiel du Coronavirus. La récente sortie de la ministre de Santé Publique, en l’occurrence Marie Greta Roy Clement, jette la poudre au feu. Elle dit avoir disposé 200 lits dans un endroit gardé secret. Ses propos laissent entendre qu’on est dans le flou et le vide. L’absence d’infrastructures, manque de personnels, isolée par des partenaires internationaux Haïti devra répondre par elle-même.
In fine, le risque est relativement inédit.

Dans ce début du 21ème siècle, c’est la première fois qu’une épidémie effraie autant la population mondiale et met à genou mêmes les pays avec le plus haut système de santé. Quid Haïti??? Les précautions maximalistes sont recommandées à la population. On sait que la majeure partie de la population est sans EAU, électricité, sans moyens d’approvisionnement en cas d’un « LOCK » étatique pour éviter les conséquences dramatiques. Alors que c’est ce qui se dessine partout. En tout cas…. les réponses rationnelles contre la propagation de ce virus doivent être des réponses adaptatives. On applique les principes préventifs. On suit les consignes des autorités qui, malgré, paraît-il minimaliste. Les enjeux dans ce cadre sont de taille, la peur est grandissime. Pour rasséréner la population, que peut et / ou que doit faire l’Etat ?

Rose Laure ESTANT
Psychologue et Maitresse en Education
Roselaureestant88@gmail.com