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27 mars 2024

Off-mic

Off-mic

Par Carlens NAPOLEON.
Le Philanthrope
Temps: 2 minutes.

Ceux qui fréquentent souvent les forums publics et certaines émissions à grandes écoutes savent très bien ce que cela signifie. Si on voulait connaitre ce qui passe vertement dans la tête de la majorité de nos dirigeants, on devrait chercher à les écouter Off-mic. Elles ne sont pas inconscientes face à la réalité comme on le prétend. Les projets et les discours qu’elles portent dans l’espace public ne sont pas en accord avec leurs instincts propres et personnels. Alors, pas la peine de les en juger là-dessus. Les parlementaires, les ministres et les autres grands commis de l’Etat ne sont pas nés de la dernière pluie. Ils sont tous issus de la matrice de la société. Ce faisant, on doit comprendre que ces acteurs-là mesurent parfaitement les conditions atroces auxquelles la majorité des gens font face.

Pour l’avancement de ce pays, la croyance en un lendemain meilleur reste le plus grand élement qui leur manque. A defaut de celui-là, ils refusent de prendre des risques et des positions pouvant leur permettre à faire un saut qualitatif au profit de ce peuple assoiffé de changement. Si on part d’un constat, on verra que beaucoup d’Hommes à responsabilité dans l’administration publique ne croient pas au développement du pays. Le président ou le premier ministre qui vous promet le changement en public, va être le premier à vous dire Off-mic: _ »peyi a pa gen okenn kote li prale tande bòs papa. »_ Cela imprègne l’esprit de presque tous les gens se trouvant dans la sphère privée et publique de la société malgré leur capacité et pouvoir à prendre des décisions.

Prenons cet exemple flagrant. L’année dernière, le fameux Gabriel Fortuné, un grand baron du pouvoir en place a eu le courage de dire publiquement qu’Haïti n’ira plus loin. Dans ses propos, il se disait prêt à aider tous ceux et celles manifestant le désir de laisser le pays pour se rendre au Chili à la recherche d’un mieux être. Il fut l’un des rares dirigeants politiques qui affirmait sans langue de bois qu’il ne croit pas dans le changement et l’avancement du pays. Mais paradoxalement, la semaine dernière le président Jovenel MOÏSE l’a mandaté pour trouver une trêve et aplannir le terrain pour engendrer le dialogue national. Outre, ce magistrat démissionnaire avoue qu’il est plus qu’un conseillé pour le président en place. Alors, quelqu’un qui pense que le pays ne pourra pas changer, pensez-vous qu’il va/peut prodiguer des conseils générateurs de perspective pour le progrès d’Haïti? C’est une question.

L’évidence nous fait admettre que la croyance n’est pas une mince affaire. Quand on ne croit pas dans un projet ou autre, on l’abandonne à la moindre difficulté présentée. D’ailleurs, celui qui ne croit pas, n’affronte pas et ne veut prendre aucun risque d’aller au-delà de l’ordre des choses. Quid de Gabriel Fortuné et tous les autres dirigeants ayant à leur tête que le pays n’ira nulle part?

Ce n’est pas un jeu d’enfant le fait de croire à une chose. Les croyants nous le montrent. Le chrétien qui croit au projet divin, malgré qu’on marche de génération en génération, reste toujours convaincu que Jésus revienne bientôt même en étant enveloppé dans son linceul mortuaire. Nos héros de l’indépendance ont accepté de mourir parce qu’ils avaient cru qu’ils parviendraient à la liberté en luttant contre le système esclavagiste. Encore un acte de bravoure arrivant à être réel et concret par la croyance dans leurs idées-forces. Au fait, l »un des irritants courants de notre gouvernance reste cette sottise humaine qui est la pire méfiance de nos autorités vis-à-vis de notre régénération sociale.

C’est dans l’off-mic qu’on connaît exactement les vraies intentions et avis des conseillers et consultants du président et du premier ministre au sujet d’une quelconque décision. Ce qu’on entend au micro est l’idéal auquel se situe leurs aspirations. D’ailleurs, le premier qui témoigne la défaite du président hors micro est le président lui-même et après on trouve ses autres attachés. En Haïti, la parole sincère est absente. Elle cède sa place à l’illusion, à l’escobaderie, au cynisme et à la bêtise humaine. Certaines autorités savent qu’à l’origine leurs actions seront voués à l’échec, mais elles s’amusent à faire passer le temps. Puisque dans leur imaginaire, elles sont convaincues que _ » peyi a pap fè yon pa kita, yon pa nago._ Comme elles le perçoivent ainsi, donc elles profitent jusqu’à que ça plonge dans l’abîme. Voilà pourquoi qu’on n’enregistre pas trop de démissions dans l’espace du pouvoir en Haïti.

Dans ce même élan, ils sont nombreux les leaders d’opinion, les prélats de l’église, les jeunes haïtiens, les directeurs d’écoles et autres qui parlent du changement au grand public, pourtant ailleurs, ils sont tous d’accord que rien ne va changer. Les acolytes de nos politiciens connaissent très bien que certaines affirmations de ces derniers sont des choses farfelues et ne parviennent jamais à être respectées. Mais publiquement, ces mercenaires vous disent qu’ils peuvent les réaliser, pourtant en privé, ces mêmes personnes vous montrent avec preuve à l’appui que le président ou le ministre en question n’ y arrivera pas. Alors, nous sommes face à des intellectuels qui n’ont pas assez de courage pour dire « Non » au charlatanisme et se comportent comme des tonneaux vides apportant toujours les paroles stériles de ses cyniques.

Haïti doit et peut changer. Mais, comment pourrait-on sortir le pays de ce marasme socio-économique, sans y croire? Ce sera pratiquement impossible. Pour avoir la transformation sociale haïtienne, il faut que nous ayons d’abord des dirigeants politiques qui croient dans un lendemain meilleur pour Haïti. Ainsi, ils pourront défier les embûches, aborder les problèmes sociaux avec beaucoup de realisme et de tact et prendre des risques et des fermes décisions au péril de leur vie pour affronter l’avenir.

« `Paru le 9 Janvier 2019.« `

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