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18 mars 2024

La république des corrompus

La république des corrompus

Par : Priscar Elie
Depuis Les Cayes

Depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse au début du mois de juillet dernier, le pays connaît une chute vertigineuse dans les profondeurs de l’innommable. Toutes les institutions, privées et publiques, sont devenues moribondes. Seuls les gangs armés continuent de semer le deuil et de rançonner la population avec la complicité active de la police nationale et des autorités établies.

En effet, pas un jour ne s’écroule sans une mort violente ou sans un cas retentissant de séquestration avec demandes de rançons. Le centre-ville, Delmas, la Plaine du cul-de-sac sont les axes privilégiés des malfrats connus de tous.

L’assassinat de Jovenel Moïse dont l’épouse a été laissée pour morte, curieusement, est la goutte d’eau qui aurait dû faire déborder le vase de la criminalité et l’impunité absolues. C’est en substance ce que les gens de bien croyaient. À la vérité ce complot ourdi et exécuté en interne, renseigne sur les pratiques mafieuses du parti au pouvoir. Il s’agit d’hommes et de femmes au passé récent de narcotrafiquants, de cocaïnomanes confirmés et de criminels endurcis. Encore une fois, point n’est besoin de mentionner quiconque le puissant voisin garde jalousement leurs noms dans ses petits papiers. Le moment venu, il en tirera un autre pour le placer à la tête du pays. Les patriotes terminent, rarement leur mandat présidentiel en Haïti. Les vagabonds préparent dans la joie leur réélection. Sacré monde!

Pour en revenir à Jovenel Moïse exécuté sous le regard indifférent de son épouse, très intime avec le premier ministre pour qui elle a remué ciel et terre afin de le garder en poste, sa disparition met à nu les alliances des bandits légaux à tous les niveaux. En effet, certains hommes et femmes d’affaires sont victimes dans leurs fonds de commerce et dans leur chair de la violence commanditée, tandis que, dans le même temps, d’autres hommes et femmes d’affaires réalisent, dans cette Haïti apocalyptique, d’excellentes affaires, en toute quiétude. Souvent, leurs business se retrouvent dans le voisinage immédiat des bandits. Allez savoir comment? Barbecue et co ont des chefs. A la traka pou Haïti.

Savez-vous qu’un seul hélicoptère estampillé US Army mettrait fin au génocide en Haïti? Posez-vous la question alors pourquoi cette indifférence de la part du tout puissant voisin? Les voies du seigneur américain sont impénétrables au pays de Charlemagne Péralte. Entre-temps, Laurent Lamothe mène la belle vie en Floride, visitant les infrastructures des Miami Dolphins. Émerveillé tel un enfant dont il possède l’apparence. Le géant en talonnettes pour répéter l’ex-première dame Michèle Bennett.

Revenons à la justice haïtienne, depuis la mort de Jovenel Moïse, plusieurs magistrats ont décliné l’offre du Doyen Bernard Saint-Vil, MÈT GASON, ami intime de Michel Martelly, de poursuivre l’enquête judiciaire. L’ancien président s’est démené comme un beau diable pour satisfaire les caprices de son docile ami en performant au domicile de ce dernier avec son orchestre à l’occasion de son anniversaire.

Les juges qui ont refusé ce dossier encombrant ont raison. Le Doyen entend protéger ses amis. Il continuera de le faire au péril de sa vie.

Le jeune magistrat instructeur désigné, par défaut, n’a ni les épaules ni les compétences pour mener à bien son instruction. Voilà pourquoi, depuis deux semaines le palais de justice est plongé dans l’obscurité totale à l’instar de la justice. La magistrature haïtienne brille de mille feux, pataugeant dans une marre pestilentielle de corruption, d’incompétences et de bêtises.

Les coupables de ce crime odieux ne seront jamais poursuivis, dans le contexte actuel. Les seconds couteaux, peut-être. Le dossier Jomo est mort-né. Le pays est livré à des bandits depuis plus d’une décennie. Le règne du mal ne saurait connaître une fin heureuse, même en Haïti. Mais, combien de vies seront broyées avant l’accalmie tant souhaitée par tout un peuple. La couardise dort enlacée avec chaque haïtien.

Le rêve de justice, de justice sociale, de démocratie, de fraternité et d’égalité est mort au Pont-Rouge. Il faut un nouvel acte d’Indépendance pour l’avènement d’une nouvelle Haïti.

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