Un rapport publié en 2021 par le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme documente sur les conditions de détention et le traitement des détenus. Il appelle à la mise en œuvre urgente de solutions pour répondre aux problèmes des conditions de détention ainsi que la situation du nombre élevé de personnes en détention préventive.
Un rapport, selon eux, qui se fonde sur des visites effectuées par le personnel de l’ONU dans 12 centres de détention entre janvier et mars 2021, ainsi que des entretiens individuels menés avec 229 hommes, femmes et enfants actuellement privés de liberté.
En effet, le rapport note que le recours excessif à la détention préventive, associé à la capacité limitée du système judiciaire à juger les affaires pénales a conduit à des retards importants dans le traitement judiciaire des dossiers et la possibilité pour les personnes détenues d’être entendues par devant un tribunal, mais aussi implique des conséquences sur la surpopulation dans les centres de détention. Actuellement, 82% des personnes privées de liberté en Haïti n’ont pas encore été jugées.
Le rapport explique comment, dans certains cas, jusqu’à 60 personnes sont entassées dans des espaces d’à peine 20 mètres carrés, sans pouvoir s’allonger sur le sol pour dormir. Certaines cellules sont dépourvues de fenêtres, laissant les détenus dans l’obscurité pendant des heures ; et l’absence de latrines oblige les prisonniers à faire leurs besoins dans des seaux. En outre, les détenus sont souvent maintenus dans leurs cellules pendant près de 24 heures, soit par manque de cour d’exercice, soit par mesure de sécurité.
« Dans la plupart des centres de détention, les détenus n’ont pas accès à des soins de santé ni aux médicaments adéquats, ce qui les met en danger en cas d’urgence médicale et les rend dépendants de l’aide des membres de leur famille. Enfin, selon le rapport, les traitements cruels, inhumains ou dégradants sont couramment utilisés comme mesure disciplinaire dans toutes les prisons visitées, y compris contre les enfants.
Parmi les détenus interrogés, 27,9% ont déclaré avoir été maltraités par des agents pénitentiaires ou par des détenus avec l’acquiescement des gardiens, et 44,5% ont dit avoir été témoins de mauvais traitements. » Peut-on lire dans le rapport
En conséquence, en cette période de crise humanitaire dans le pays, des tas de cas de choléra sont enregistrés au pénitencier national, où plusieurs détenus se trouvant dans des conditions précaires se s’y sont exposés eux-mêmes, d’après un gardien de la prison qui requiert l’anonymat.
Contacté dans le cadre de ce dossier, le directeur exécutif de l’Organisation Justice et Solidarité-Js, Me Ebens EXANTUS, nous explique qu’il est très affecté par la disparition au pluriel des citoyens en situation de detention infinie au Penitencier National. Car selon JS, ils sont plus que 75% en attente de la sortie d’une ordonnance clamant leur non coupable ou en attente de juger.
« Mais chose impossible car, dit-il, la justice est dysfonctionnelle depuis près de quatre 4 ans, surtout à Port-au-Prince.
En ce qui a trait à la question de la mort de certains prisonniers par le cholera, l’Organisation croit fermement que le cholera, s’il en existe vraiment, reste négligeable, tout en exhortant ainsi aux responsables de la prison de pouvoir de préférence accorder plus de soin à des gens cloués en taule sans secours, leur permettant d’avoir des soins ayant rapport à la tuberculose » a déclaré le directeur exécutif.
Interrogé sur les conditions des prisonniers au Pénitencier National, le directeur exécutif de l’organisation de défense des droits humains Sant Karl Lévêque (SKL), Rev. Père Gardy MAISONNEUVE, ne cache pas ses inquiétudes sur les conditions dans lesquelles vivent des prisonniers au Pénitencier National. Selon ses propos, au niveau de l’organisation de défense des droits humains Sant Karl Lévêque (SKL), ils savent déjà que les conditions des détenus au Pénitencier National ne respectent pas les normes internationales en ce qui à trait à la manière dont les prisonniers sont logés dans leurs cellules.
D’ailleurs, poursuit-il, depuis 2020, nous avons déjà pris le soin de critiquer le mode de traitement auquel sont assujettis les prisonniers haïtiens dans les centres carcéraux. Précisément, en date du 15 juin 2020, dans une note intitulée « Position de l’Organisation de Défense des Droits Humains Sant Karl Lévêque (SKL) sur les violations des droits des prisonniers dans les centres carcéraux » nous avons attiré l’attention de la société haïtienne sur ce qui se passe dans les centres carcéraux du pays où les détenus en manque de rations alimentaires équilibrées et des soins de santé appropriés sont devenus tellement maigrichons qu’il nous arrive même à pouvoir compter les os qui leur percent la peau. À ne pas oublier qu’à cette époque nous étions en plein moment de coronavirus dans le pays.
De 2020 à aujourd’hui, la réalité reste inchangée et tend à empirer. Au Pénitencier National, actuellement, les prisonniers appellent quotidiennement notre Directeur Exécutif Rev. Père Gardy MAISONNEUVE dans le but de nous porter plainte et nous expliquer la manière dont leurs droits inaliénables sont constamment violés dans leurs cellules. Certains détenus parviennent même à affirmer qu’ils ont subi des supplices corporels entre les mains de geôliers, une telle pratique que nous condamnons d’ailleurs avec ferveur. »
Toutefois, selon le SKL, il est clair que la crise humanitaire affecte considérablement les détenus. En référant sur le rapport de CNSA, le défenseur des droits humains souligne que plus de 4.7 millions de personnes sont dans l’insécurité alimentaire aiguë.
« Les responsables prétextent que les différents mouvements de protestations baptisés » peyi lòk » empêchent que les nourritures arrivent dans les centres carcéraux. Sur ce, les autorités pénitentiaires abandonnent les prisonniers. À cause de cette réalité accablante, plusieurs tentatives de mutinerie ont été enregistrées dans les centres carcéraux notamment au pénitencier national. Autrement dit, les prisonniers refusent de regagner leurs cellules à cause du mauvais traitement précité » , a-t-il ajouté.
En outre, sur le dossier du Choléra, le directeur exécutif du SKL nous fait savoir que certains prisonniers contactant l’organisation affirment que nombreux sont leurs amis-détenus qui sont morts dans des conditions inexplicables; selon eux, généralement ces morts présentent des symptomatologies pouvant être assimilées au choléra. En prenant comme exemple, les prisonniers peuvent avoir de la diarrhée ayant de la couleur blanche et également des vomissements, durant quelques heures et/ou jours après avoir présenté ces signes, ils succombent piteusement.
Le SKL se dit être prudent afin d’inviter d’entrée dans une guerre de chiffre comme ça se fait actuellement par certaines organisations de la société civile ainsi que les autorités pénitentiaires. Mais, l’organisme profite pour souligner par grâce à ses enquêteurs sur le terrain qu’ils ont dénombré seulement 23 détenus qui sont décédés à cause du choléra.
Un projet d’enquête, visant à analyser la situation des prisonniers dans les prisons en Haïti au regard des normes minimales édictées à travers les règles Nelson Mandela comme étalon de mesure du degré de respect des droits des personnes privées de liberté, que l’organisation SKL souhaite réaliser. Ceci va permettre de porter une solution viable dans les centres carcéraux. Parce que notre souci dans le cadre de cette enquête en perspective consiste à chercher les limites pratiques d’application des règles de Mandela dans les prisons en Haïti puis ensuite forger un canevas qui servira d’étalon pour les autorités pénitentiaires quant à la prise de décisions relatives à la situation de détention dans le pays.
De plus, l’organisation SKL croit dur comme fer qu’il faut éviter à tout prix d’ériger ou transformer nos prisons en école du crime et un lieu de torture. Ainsi conclut le directeur exécutif du SKL lors de cette interview.
Par contre dans un rapport sur la situation épidémiologique du choléra publié en date du 20 octobre de cette année, le ministère de la santé publique et de la population (MSPP) à travers la direction d’épidémiologie des laboratoires et de la recherche (DELR) fait mention de Neuf cent soixante quatre (964) cas suspects dans le pays, cent quinze (115) cas confirmés parmi eux, quatre cent trente et un (431) cas sont hospitalisés, vingt deux (22) cas de décès institutionnels et onze(11) cas de décès communautaire.
À noter dans le rapport susmentionné, aucune précision n’a été faite par les autorités sanitaires du pays relative à la situation sanitaire des détenus au Pénitencier National.
Il faut souligner, aussi dans le cadre de ce reportage, que plusieurs démarches ont été malheureusement effectuées, sans succès, aux fins de trouver un responsable au sein du MSPP pour apporter certaines précisions sur les cas des prisonniers et sur les dispositions nécessaires des autorités.
Que faire l’État en tant que premier garant en matière des droits de l’homme conformément à article 19 de la constitution face à ses responsabilités ?
Pour comprendre le calvaire des prisonniers se trouvant en détention, l’Office de la protection du Citoyen (OPC), a publié en date du 2 octobre une note portant la signature du protecteur du citoyen, Me. Renand Hédouville, relative à la reouverture des tribunaux au regard de l’article 75 du décret 22 Août 1995 et nous citons :
« En tant qu’institution étatique chargée de veiller au respect des droits humains particulièrement à la protection des libertés individuelles et des garanties judiciaires, l’Office de la Protection du Citoyen déplore que la reprise des activités judiciaires dans les Cours et Tribunaux cette année soit marquée par un bilan négatif inacceptable avec un taux de 90% de détention préventive prolongée. Les assises criminelles avec assistance de jury ne se sont pas tenues depuis plus quatre (4) ans dans la Juridiction de Port-au-Prince. Des milliers de prisonniers croupissent dans des cellules dans des conditions inhumaines, cruelles et dégradantes, en dehors de tout espoir d’être jugés conformément à la loi. Cette situation constitue une violation grave de droits humains des personnes privées de liberté et met en péril l’État de droit en Haïti. »
Quand est-ce que les détenus sortiront de l’enfer au Pénitencier National ?
L’épineuse question qui reste sans réponse depuis plusieurs années,
À quoi peut-on s’attendre?
Par: Berrick ESTIDORE, Journaliste investigateur à KAPZY NEWS, Président du Réseau National des Médias en Ligne (RENAMEL)