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28 mars 2024

Les mains cachées derrière le massacre de la saline

Le mercredi 14 novembre 2018, la population haïtienne a découvert des images choquantes qui circulaient sur les réseaux sociaux. À travers ces images, on pouvait voir des personnes tuées et jetées sur des tas d’immondices dans la zone de la Saline, située à la sortie nord de Port-au-Prince, et entendre des cris étouffés des femmes violées par bandits armés.

Les mains cachées derrière le massacre de la saline

Par : Berrick ESTIDORE

Jean Benicia, une jeune fille de 22 ans a été violée par plus de cinq (5) hommes. Le pire, elle est tombée enceinte de son premier enfant un mois après le viol. Delvarice Denise, une adolescente de 11 ans, orpheline de père et de mère, est livrée à elle-même et Fania Leganeur, 19 ans, a été violée et maltraitée par des bandits armés. Ces drames se sont déroulés à quelques mètres de l’autorité Portuaire Nationale (APN)

On pouvait constater que pendant plusieurs mois des dizaines de familles dans la zone « nan chabon » dorment sur la place  » d’Italie « , un espace touristique à Port-au-Prince situé au bord de la mer, non loin du parlement haïtien.

M. Monaster Juste, porte-parole du comité camp d’Italie, père de trois (3) enfants, dont deux (2) filles et un garçon, a raconté qu’au marché de la Croix des Bossales les hommes de carrefour labatoire s’opposent aux hommes dit  » nèg nan chabon « .
Toutefois, Matyas Jean Norger secrétaire du comité, nie que le problème est d’ordre politique, selon lui c’est une guerre pour le simple contrôle du marché entre les deux groupes mentionnés.

À cet effet, plusieurs organisations nationales et internationales ont produit des rapports autour de ce dossier.

La « FONDASYON JE KLERE », a pu mener une enquête préliminaire afin de retracer les faits avec les causes profondes ainsi que les causes occasionnelles de ce massacre. De là, on peut se demander si une image vaut mille mots, combien de mots va-t-il falloir pour expliquer ces images de personnes massacrées?

Suivant les faits, ces événements ne font que remonter un vieux conflit datant de plusieurs années dans le but de contrôler le marché de la Croix-Des-Bossales. Ce conflit a été bien exploité par les partisans et adversaires du pouvoir politique en place, en mettait face à face deux groupes d’amis « Nèg Chabon » dirigé par Ti Maken et Ti Junior avec pour allié « Nèg Bwadòm » d’ un côté et de l’autre côté Juliot PYRAM alias Kiki et Hervé Bonnet BARTHELEMY alias Bout Jean Jean de la zone de Labatwa / Fòtouron. Dans le passé, ils avaient le contrôle du marché de la Croix-Des-Bossales, en rançonnant les hommes et femmes d’affaires de la place. Il faut signaler que le marché est divisé en deux parties : Furcy (Nèg Chabon/ Nèg Bwadòm) et Nan forè (Fòtouron / Kafou Labatwa). Après l’assassinat de Ti Maken, Nèg Chabon et Nèg Bwadòm ont été chassé de la Saline, un premier conflit qui a duré neuf mois depuis 2013. Il allait y avoir un autre conflit de quatre mois suite à la mort de Toutou (l’un des leaders de Kafou Labatwa) lors d’un match de football.

Après une période de paix précaire, chaque groupe a dû chercher des supports politiques et économiques nécessaires pour contrôler les lieux. Serge ALECTIS alias Ti Junior (Nèg Bwadòm) développait des proximités avec le « Parti Haïtien Tèt Kale » principalement avec le délégué départemental de l’Ouest Joseph Pierre Richard DUPLAN connu sous le nom de Pierrot. D’ un autre côté, Juliot PYRAM alias Kiki et Hervé Bonnet BARTHELEMY alias Bout Jean Jean se sont rapprochés de l’opposition politique, notamment du côté du député Lavalas Roger Milien, en traitant toujours avec le pouvoir en place. Ce qui avait facilité la rentrée dans la zone de Thierry Mayard PAUL, Florence Duperval GUILLAUME, de la première dame Martine Moïse, sans oublier la visite nocturne du premier ministre Jean-Henry CEANT avant le 17 octobre 2018 avec l’ex député Arnel BELIZAIRE comme médiateur. dernier n’était pas disponible pour accorder une interview lors de cette investigation afin qu’il puisse
fournir des détails sur sa présence.

Les causes occasionnelles peuvent se repérer après que le cortège du président Jovenel MOISE fut agressé au Pont Rouge. On a jeté la responsabilité sur les hommes de la Saline contrôlés par Bout Jean Jean et Kiki. Les hommes de la Saline sont indexés pour deux raisons. D’abord pour les promesses non tenues par la première dame Martine MOISE au bénéfice de la zone. Ensuite, pour la conférence de presse organisée par l’opposition à la Saline dans l’enceinte même du centre de santé communautaire le 15 octobre 2018, toujours avec le support des mêmes groupes qui avaient accueilli la première dame. Le premier novembre 2018, Kiki a trouvé la mort et Bout Jean Jean a été blessé. Le 13 novembre 2018, le policier de l’UDMO Jimmy CHERIZIER alias Barbecue (ID 05-16-07-07570) venait pour renforcer les hommes de « Nèg Chabon » et « Nèg Bwadòm ». Par la suite, il allait y avoir l’ajout de Olicha de Boston, s’installant dans la zone de deuxième avenue de Bolosse afin d’épauler Base Pilate dans sa lutte contre Base Arnel. Ainsi, les membres de Base Pilate allaient monter une opération pour attaquer la Saline et de soumettre la zone aux mains de Ti Junior. À cela, s’ajoute le policier Gregory ANTOINE alias Ti Greg (ID: 06-18-05-08675), qui est également soupçonné de faire partie d’un groupe de plus de deux cents hommes armés lors de l’opération. C’EST CE QU’ON APPELLE LE MASSACRE DE LA SALINE.Le bilan est lourd, quinze à vingt-cinq morts, des cas de déplacés internes, six femmes ont été violées et plus de quinze maisons pillées. Où est passé le droit à la vie très souvent présent dans les débats des Nations-Unies?Justement, à cette question la Mission des Nations unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH) a déjà répondu en publiant le 21 juin 2019, un rapport public sur ce massacre. La Sixième partie qui constitue les éléments de recommandation de ce rapport a comme objectif de faire en sorte que les haïtiennes et haïtiens, en particulier celles et ceux qui sont issus des communautés les plus vulnérables et les plus marginalisées puissent manifester une confiance accrue dans la capacité et la volonté du système judiciaire de lutter contre la criminalité et dans celles de la police nationale d’assurer la sécurité. La neuvième partie des recommandations réclame de par son objectif que les autorités nationales doivent satisfaire aux obligations internationales qui leur incombent en matière de droits de la personne, en amenant les auteurs de violations de ces droits à répondre de leurs actes et font rapport aux organes conventionnels compétents.

En revanche, l’homme de loi Marc-Antoine Maisonneuve, l’un des avocats qui accompagne les victimes, explique qu’une plainte a été déposée au parquet près le tribunal de première instance de Port-au-Prince et le commissaire du Gouvernement, Me Paul Eronce Villard avait demandé au bureau de l’affaire criminel (BAC) de la Direction Centrale de la Police Judiciare (DCPJ) d’aller diligenter une enquête.

On a pu comprendre qu’il s’agit d’un massacre d’État car la plupart des gens qui s’étaient impliqués dans ce massacre sont des directeurs, des délégués et des alliés du pouvoir comme le directeur général du Ministère de l’intérieur, Fednel Monchery et le Délégué départemental de l’ouest, Joseph Pierre Richard Duplan. Il ne faut pas oublier que les directeurs et les délégués sont nommés par arrêtés présidentiels. Dit-il.

En effet, les avocats de Fednel Monchery et Pierre Richard Duplan, depuis le mois de juillet 2019, ont récusé le juge instructeur, Chavannes Etienne qui était en charge de l’instruction du procès massacre de la Saline. Puisque, c’est la Cour de Cassation qui doit se prononcer sur le dessaisissement d’un juge d’instruction. Donc, on peut dire que le dossier est maintenant au niveau de la Cour de cassation et on attend l’arrêt de la Cour. Déclare-t-il.
Jusqu’à présent, rien de juste n’est dit. Est-ce la lenteur de l’appareil de justice en Haïti ou l’absence même de la justice ? Une question peut-on poser.